La désindustrialisation, la lutte contre le démantèlement de l’outil de production, le combat contre le libéralisme sauvage, la conscience écologique dans les projets de transformation des sites, les plans de licenciement devenus dans le langage politiquement correct des plans de sauvegarde de l’emploi… Ces expressions, on les entend quasi-quotidiennement et, au-delà des mots, on ne sait plus vraiment ce qu’elles signifient.
« L’usine, le bon, la brute et le truand » nous montre très concrètement de quoi il s’agit, à travers la fermeture la Chapelle-Darblay, une usine de recyclage du papier, vouée à devenir un site de production d’hydrogène. Ce n’est pas seulement une usine qui ferme, c’est l’histoire d’une région, de familles… Un patrimoine en péri, en plus des emplois détruits.
Mais des salariés se battent contre le rouleau compresseur et, ce qui différencie « L’usine, le bon, la brute et le truand » d’un reportage télé est dans l’incarnation de Cyril, Julien et Arnaud, trois fortes têtes aux caractères très différents. Les deux premiers sont des ouvriers syndiqués à la CGT, le dernier est un cadre sans étiquette. Les trois donnent un visage à la lutte du pot de terre contre le pot de fer, ils se démènent pour trouver une solution de reprise et quand ils la trouvent, ils font face à l’absurdité administrative et politique des décideurs. Ils sacrifient leur temps à des réunions, des conférences de presse aux quatre coins de la France et ils réussissent à mobiliser grâce à leur énergie, à leur volonté et à leur saine colère.
Ce côté humain de la révolte fait de « L’usine, le bon, la brute et le truand » un vrai projet de cinéma, porté par la superbe réalisation de Marianne Lère Laffitte, qui filme les hommes au plus près, en proie à leurs doutes, portés par leur espoir. Des choix d’autrice forts et originaux, comme celui de la bande son - du chant lyrique. On sera aussi saisi de la façon presque charnelle dont la réalisatrice filme les machines.
Une belle histoire ? Oui, mais pas angélique et, à côté du combat pour la préservation du site de la Chapelle Darblay, le film documentaire montre bien que d’autres, dont les revendications sont aussi légitimes, échouent.
« L’usine, le bon, la brute et le truand » est un film humaniste, émouvant, inspirant… En un mot : fort, très fort et on ressort de la séance avec une énergie et une conscience sociale décuplées.