Juan Carlos Medina est un réalisateur franco-américain ayant grandi en Espagne, mais qui a fait des études de cinéma en France. Il a préalablement tourné quatre courts-métrages. En 2012, il réalise son premier long, Insensibles, qui est une coproduction franco-espagnole, sélectionnée dans plusieurs festivals.
Il signe, en Angleterre en 2016, son deuxième film, GOLEM, le tueur de Londres. Ensuite, il met en scène plusieurs séries, comme Discovery Witches, Origin et l’adaptation de Disparu à jamais d’après Harlan Coben. Six jours est son troisième long-métrage. C’est aussi son premier long-métrage 100% français.
A l’origine, deux producteurs sont venus voir Juan Carlos Medina avec un scénario écrit par Denis Brusseaux, adapté d’un film coréen dont la cinéaste a trouvé le sujet captivant. Ce dernier confie : "J’ai beaucoup aimé la manière dont les rapports entre vérité et justice étaient abordés et c’était l’occasion de faire un polar français à la Melville dont je rêvais depuis longtemps. Je me suis impliqué dans la réécriture pour m’approprier le texte. Mais il y avait déjà une formidable matière."
Pour écrire le scénario de Six jours, Juan Carlos Medina s'est longuement entretenu avec plusieurs contacts dans le milieu de la justice et de la police. Un ancien patron de la BRI, en particulier, l’a beaucoup aidé. Le réalisateur se rappelle : "Je l’avais rencontré au festival de Beaune et on avait sympathisé. C’était d’autant plus précieux que la BRI joue un rôle important dans le film et qu’il s’agit de l’unité spécialisée dans ce genre d’enlèvement."
"Il m’a guidé sur le réalisme opérationnel des unités de police dans le film : l’opération dans la gare routière, les permutations, les couches d’oignons dans le dispositif policier, la manière de communiquer avec la victime qui transporte l’argent pour faire l’échange."
"Il m’a aussi donné des conseils très utiles sur la prescription. Ce qui rendait le film possible, c’est que la France, jusqu’en 2017, avait un délai de prescription de dix ans pour des affaires très graves, comme un kidnapping entraînant la mort d’un enfant. Ensuite, une nouvelle loi a étendu le délai à trente ans. Si l’histoire tient, c’est parce que l’affaire se déroule il y a près de dix ans. C’était l’élément dont il fallait s’assurer, car cette réalité juridique devait être inattaquable."
Le paysage industriel, avec ces usines en arrière-plan et cette langue de terre entre deux bras de mer, est un personnage à part entière de Six jours. Juan Carlos Medina raconte : "Ce décor est central : c’est, en quelque sorte, le noyau, là où se déroule la tragédie qui marque à vie la mère et le flic. J’ai sillonné le Nord-Pas-de-Calais pour voir comment construire cet univers et j’ai été très impressionné par la Digue du Braek, à Dunkerque, longue bande de bitume avec un phare au bout, conçue pour protéger des tempêtes le complexe sidérurgique Arcelor Mittal à proximité."
"Quand j’ai découvert cette langue de béton, avec d’un côté la mer sauvage et les herbes hautes, rappelant une estampe japonaise, et de l’autre un paysage industriel à la Blade Runner, j’ai trouvé cette dualité très forte, comme si la digue séparait l’enfer du paradis. À mes yeux, c’était une formidable métaphore de cette histoire. D’où le fait que la séquence finale s’y déroule."
Juan Carlos Medina voulait que le personnage de Malik, l'inspecteur de police campé par Sami Bouajila, soit quelqu'un de taiseux et usé par le métier, comme Morgan Freeman dans Seven, tout en étant doté de la pugnacité d’un homme qui va se battre jusqu’au bout. Il précise : "Pas mal de policiers m’avaient confié qu’à force de côtoyer le sordide et le tragique, ils n’avaient plus aucune foi en l’être humain."
"Quel que soit le point de vue qu’on a là-dessus, ce sont des gens exposés de manière hors normes à la monstruosité humaine si bien qu’ils en deviennent désabusés. En-dehors de ces aspects-là, c’est Sami qui a apporté, avec une grande élégance, la manière d’être du personnage et de sa dimension empathique : on sent que Malik est fatigué et qu’il a pris cher."
Juan Carlos Medina et le chef-décorateur Philippe Chiffre ont choisi de tourner Six jours à Roubaix, où la présence de la brique rouge, sanguine, permet d’obtenir une photographie très dense, avec des noirs très prononcés et des rouges marqués. Le metteur en scène se souvient : "Ensuite, je voulais des blancs assez blafards et des verts un peu ternes, inspirés de L’Armée des ombres, et des tons ocre et rouges issus de Seven."
"Je recherchais de la dureté à travers une palette de couleurs denses, mais je voulais filmer l’ensemble avec douceur si bien qu’il me fallait des optiques qui apportent cette délicatesse. Avec mon chef-opérateur, on a d’abord testé des objectifs anamorphiques avant d’opter pour des optiques Canon sphériques, utilisées pour La Servante écarlate et Aliens de Cameron. Ce sont des optiques qui ont une identité visuelle très forte et qui sont très douces."
"Résultat : on obtient une photographie brumeuse qui tranche avec la force d’une palette chromatique assez sombre."