Un p’tit truc en plus est né de l'envie d'Artus de montrer ce dont sont capables les personnes porteuses d’un handicap mental : "Elles ont un imaginaire incroyable, une magie, ou une folie, qu’on ne rencontre pas ailleurs. C’est avec elles que je voulais faire un film. Pas sur elles. Le handicap, en soi, n’est pas le sujet. Ce film, c’est une colonie de vacances, avec tous les moments de vie que cela suppose, mais puissance mille parce que l’histoire, est portée et jouée, par des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma."
"J’avais été fasciné par Le Huitième jour. A l’époque, je me suis dit : 'ça y est, ça s’ouvre !'. Mais la porte s’est refermée aussi sec. J’ai voulu y retourner parce qu’il faut que les choses bougent : les différences sont une force, j’en suis convaincu. Si on peut en rire, c’est sain et c’est mieux : moi-même, j’ai été gros et j’ai été le premier à faire des vannes sur mon corps… - De toutes façons, j’ai un côté sale gosse : plus tu me dis de ne pas aller sur un sujet et plus j’y vais. (Rires). Et il y a cinq ans, j’ai commencé à écrire ce film."
Pour Un p’tit truc en plus, son premier film derrière la caméra, Artus n'a pas choisi la facilité puisqu'il dirige onze acteurs en situation de handicap mental. Il se rappelle : "C’est ce que tout le monde m’a dit et j’en avais évidemment conscience. Mais si je ne devais en faire qu’un seul, alors, je voulais que ce soit celui-là. On s’est heurtés à beaucoup de refus. On a entendu des phrases complètement dingues - « bon, ça va, on sait qu’ils existent, on va pas les montrer non plus »… C’est affligeant."
"Ça raconte la peur, le rejet que suscite le handicap, aujourd’hui encore. Mais justement, c’est pour ça qu’il faut aller sur ces sujets-là. Moi, en tous cas, plus on me disait « non », plus j’avais envie de faire ce film."
Artus est parrain des Jeux Paralympiques et de Handicap International. Il explique d'où lui vient cet engagement : "Petit, j’étais très attiré par la fantaisie des personnes porteuses d’un handicap mental, par leur capacité à se décaler : tu peux être sûr qu’ils t’emmènent ailleurs et ça fait du bien. Et puis ils ont souvent cette façon d’exprimer leurs émotions sans filtre. Nous, on est tellement empêtrés qu’on arrive rarement à dire « je t’aime/merci/je suis content d’être avec toi » simplement. Alors que c’est de ça dont on a besoin… Eux savent le faire."
Pour trouver les comédiens handicapés du film, Artus a fait un post Instagram. Il se souvient : "Je n’avais pas de critère précis, je n’étais fermé à rien, à aucun handicap, mais je voulais des personnalités. Et puis il fallait que ça marche, entre eux, pour former la meilleure équipe possible. En tout, j’ai vu une cinquantaine de candidats…"
"Et la force des éducateurs m’a à nouveau bluffé : ils sont payés une misère, mais ils viennent parfois de très loin, en minibus, avec deux, trois, quatre adultes dont ils s’occupent… Ils croient en eux, ils aiment leur boulot, ils y vont ! Je le savais déjà, mais ça m’a scotché."
La logistique du tournage de Un p’tit truc en plus a été complexe : quinze rôles, avec, pour chacun, trente-cinq jours de tournage - plus les parents et les éducateurs hors champ, etc. Artus ne voulait pas faire un "film de valides", où, de temps en temps, on voit passer des personnages en situation de handicap pour rappeler qu’ils sont là : "Pour moi, ils étaient au centre et le film était choral : donc il n’y a pas une scène sans eux. Après, dans le groupe, chacun avait une place particulière…"
"Et il fallait trouver, avec chacun, une technique spécifique pour les diriger – pour Ludovic, le mieux c’était l’oreillette, mais Arnaud, lui, préférait que je dise sa réplique avant lui, pour qu’il la répète… Ils ne connaissaient pas le plateau de tournage et ses règles, ils s’en foutaient un peu – eux étaient venus pour jouer... C’était à nous de laisser vivre, à nous de nous adapter. J’ai dit à mon chef opérateur, Jean-Marie Dreujou : quoiqu’il arrive, il faut qu’on soit sur le qui-vive et il faut filmer."
"Tant pis si on n’est pas officiellement en train de tourner, ce qui surgit, il faut le choper. Ce qu’on voit, à l’image, ce sont des moments vrais. Pas du jeu."
D'un point de vue esthétique, Artus voulait faire un beau film d’été. Il savait que la directrice de la photographie Jean-Marie Dreujou saurait faire cela : "Je voulais du soleil, je voulais de la joie et surtout pas de pathos. A chaque fois qu’on filme des personnes porteuses d’un handicap mental, ça se passe dans le Nord et sous la pluie, comme s’il fallait rajouter un temps pourri… Moi, je voulais qu’ils soient stylés. Et qu’ils puissent choisir leurs fringues, comme Mayane a pu choisir son propre maquillage : j’ai briefé les costumières et eux étaient super contents."
"Pareil pour les accessoiristes : il fallait partir des personnages pour qu’ils aient chacun leur univers. Leur dortoir, je voulais que ce soit un cocon, que la lumière soit chaude, que tout le gîte soit beau, que les plans soient beaux… Pour que tout le monde ait envie d’être avec eux."