Ce film est présenté en Séance Spéciale au Festival Cannes 2024.
Sachant l’admiration que porte Arnaud Desplechin au philosophe Stanley Cavell, les producteurs Charles Gillibert et Romain Blondeau lui ont proposé de réaliser un documentaire sur la projection au cinéma. N’ayant jamais fait autre chose que de la fiction, il a décidé de créer une forme hybride, comme il le déclare : "Ce fut aisé d’écrire, car je revenais sur des réflexions sur le cinéma qui me tournent dans la tête depuis vingt ans : Alors j’ai écrit dans la fièvre. Ainsi, le film est à la fois une commande de Charles et Romain, et un essai infiniment personnel..."
Ce qui a incité Arnaud Desplechin à adopter cette forme narrative entre la fiction et le documentaire est ce que le cinéaste appelle des "plans à la Wes Anderson". Ils invitent les acteurs à se présenter aux spectateurs face caméra, de manière totalement assumée. Il confie d’ailleurs à ce sujet : "C’est une manière de guider le spectateur dans cette carte aux trésors pour qu’il invente ses repères et qu’il puisse lui-même accrocher ses propres souvenirs, ses propres rêveries au tissu que je lui propose."
Si Arnaud Desplechin est un passionné de cinéma, son film n’est paradoxalement pas un hommage à sa propre cinéphilie. Ainsi, un grand nombre de ses longs-métrages préférés qui ne figurent pas dans Spectateurs !, à l’image des films japonais qu’il affectionne. Le réalisateur n’a pas voulu imposer ses propres goûts, mais plutôt ceux de tout un chacun.
L’exposition que l’on voit au début du film est celle d’Enfin le cinéma !, orchestrée par Dominique Païni au Musée d’Orsay, fin 2021. Par ailleurs, la toile présente dans Spectateurs ! est celle de Pygmalion et Galatée de Jean-Léon Gérôme.
La scène dans laquelle la grand-mère emmène ses deux petits-enfants pour la première fois au cinéma voir Fantômas est un souvenir propre à Arnaud Desplechin, puisque c’est le premier film qu’il a été voir au cinéma avec sa grand-mère.
Dans l’une des séquences de Spectateurs !, Arnaud Desplechin revisite avec de jeunes acteurs le triangle amoureux entre Marianne Denicourt, Jeanne Balibar et Mathieu Amalric de l’un de ses précédents longs-métrages, Comment je me suis disputé...(ma vie sexuelle).
Pour la première fois, Arnaud Desplechin apparaît devant la caméra, lorsqu’il filme Shoshana Felman ou Kent Jones,à New York.
La scène où Pascal Kané campe un professeur a été tourné à la Sorbonne Paris 3 Censier, là où Arnaud Desplechin suivait à l’époque les cours de cinéma de Serge Daney.
Nombreux sont les personnages de Desplechin qui portent les noms de famille Dedalus ou Vuillard. Ici, son héros s’appelle Paul Dedalus, comme Mathieu Amalric dans Comment je me suis disputé. En outre, Paul Dedalus est incarné dans Spectateurs ! par plusieurs jeunes acteurs.
Dans Spectateurs !, Mathieu Amalric incarne le personnage du cinéaste. Ce film signe sa huitième collaboration avec Arnaud Depleschin, depuis La Sentinelle, en 1992.
Arnaud Depleschin a choisi de filmer avec des focales courtes les séquences avec les enfants, afin d’être au plus près d’eux.
Le montage de Spectateurs !, n’a pas été chose aisée, car il a commencé le travail avec Naïri Sarkis, une amie de sa monteuse Laurence Briaud puisque cette dernière n’était pas disponible. Et lorsqu’elle a pu s’atteler au montage après s’être libérée de ses contraintes, ils ont rencontré de nombreuses difficultés au sujet des droits à l’image des nombreux extraits de films présentés.
Le chef opérateur Noé Bach a eu l’idée de souffler une poudre argentique avec de la colle au pied des objectifs, donnant ainsi ce grain particulier à l’image, avec un effet irisé.
Arnaud Desplechin est également le narrateur de son film, mais ne souhaitait pas enregistrer sa voix en studio. Alors, devant la table de montage, il récitait son texte avec un micro, quand ce n’était pas sa propre monteuse, Laurence Briaud, qui enregistrait sa voix avec le dictaphone de son portable. L’ensemble de cette bande-son a ensuite été mixée sur les images.
Avec le décorateur Toma Baquéni et avec la costumière Judith de Luze, le cinéaste a reconstitué les années 1980 en réaménageant notamment le hall du cinéma l’Arlequin à Paris, comme il était dans les années 1980.
Arnaud Desplechin aime le recourt au point d’exclamation dans ses films. Il l’avait déjà utilisé dans le sous-titre "Roubaix !" d’Un Conte de Noël. Il a, pour lui, une "fonction héroïque". De même que le cinéaste a voulu écrire "Les Spectateurs !" au pluriel, pour montrer à quel point il y en avait différents types, en n’oubliant pas ceux de la télévision.
Dans la scène où la grand-mère emmène ses petits-enfants pour la première fois au cinéma, l’actrice Françoise Lebrun a improvisé son discours autour du mystère de la cabine de projection.