Le conflit israélo-palestinien ne cesse de donner des films de qualité réalisés par le cinéma hébreu. On pense à l'excellent Fox-Trot, il y a quelques années. Le jeune Schlomi, belle gueule, musclé et d'une agilité remarquable, décide (mais est-ce vraiment une décision mûrie?) de déserter le Tsahal. Son objectif ? Rejoindre sa petite amie, Shiri, qui s'apprête à partir pour le Canada et l'empêcher de le faire. Sa fuite en avant prend des allures de road movie à travers Tel Aviv sous la menace d'attaques du Hamas. Le film est surprenant, tant les Israéliens qui continuent à boire en terrasse alors que les rockets sillonnent le ciel semblent pleins de désinvolture sereine.
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans le film, c'est la remarquable clarté cinématographique de la narration, en même temps que des zones d'ombre qui, au bout du compte, révèlent une vérité profonde. Que pensent Schlomi et ses parents du conflit contre la Palestine et le Hamas ? On n'en saura rien: Schlomi, tas de muscles, semble avoir une réflexion assez limitée. Et, en même temps, ne cherche-t-il pas à nous dire quelque chose ? Qu'il veut vivre comme un humain normal, se marier, avoir des enfants, travailler, bâtir sa vie avec celle qu'il aime ? Ce conflit, en somme, ne le concerne pas. Sa mère ne semble pas plus investie : quand elle lui certifie qu'elle ne dira rien, c'est pour lui éviter la prison, pas parce qu'elle pense qu'il doit rejoindre sa base pour défendre la patrie. La grand-mère n'a visiblement que faire du conflit : quand on parle trop des événements en cours, elle change de chaîne et écoute de la musique. Au restaurant, alors que les consommateurs laissent éclater leur haine contre les Palestiniens, Schlomi se tait. Le film est remarquablement construit, allant de séquences à suspense à des épisodes comiques (les deux Français qui se font détrousser, sans doute des juifs qui ont fait leur alya, sont ridicules à souhait), conduisant vers une fin ouverte et ambiguë. Schlomi ne donne-t-il pas, en fin de compte, une vision du conflit (on est là en 2014, mais les événements récents reproduisent les mêmes schémas) originale et peu évoquée: cette jeunesse se sent-elle vraiment concernée par une guerre que les hommes politiques entretiennent à l'envi depuis 70 ans?