Avec La Famille Hennedricks, Laurence Arné a voulu parler de la recomposition familiale. À partir de là, la réalisatrice s'est demandée comment on pouvait "faire famille" autrement, en sortant d’un schéma traditionnel. En y réfléchissant, elle a choisi d'assumer la dysfonctionnalité : "Ce qui signifie qu’en tant qu’adulte, on a fait sauter les verrous des conventions sociales, on s’est libéré. J’avais moi-même vécu un premier échec familial, je ne voulais pas me rater sur le deuxième ! (rires)"
"C’est le point de départ de Justine : elle culpabilise de la séparation avec le père de son fils, elle va donc tout faire pour le réparer et l’aider à retrouver l’envie de faire famille à nouveau, différemment, quitte à l’embarquer de force dans ce road trip, sur la route de son enfance dont elle est totalement nostalgique."
Laurence Arné a commencé à écrire le scénario de La Famille Hennedricks seule pendant un an et demi, puis a sollicité Sara Wikler qui a mené un travail analytique sur les personnages et les enjeux. La cinéaste se rappelle : "Elle dit toujours qu’une comédie doit avoir la même intensité narrative qu’un thriller. J’ai donc quasiment effectué un travail thérapeutique sur chacun des personnages pour qu’il n’y ait rien d’artificiel et que les bascules de conscience soient toutes légitimes. J’aime le cinéma qui me raconte des histoires crédibles et contemporaines."
"Quand ce n’est pas suffisamment réaliste, je me détache de l’histoire. J’ai besoin de croire profondément au parcours des protagonistes. Après ce travail passionnant avec Sara, j’ai rencontré la merveilleuse Cécilia Rouaud. Ensemble, on est reparties dans les dialogues pour ajouter de la comédie, du rythme, de la surprise, de l’émotion."
En couple depuis 2018, Laurence Arné et Dany Boon avaient collaboré sur Radin !, La Ch'tite Famille et 8 Rue de l'Humanité.
Côté références, Laurence Arné cite Little Miss Sunshine, Captain Fantastic, C.R.A.Z.Y., La Famille Tenenbaum ou encore À bord du Darjeeling Limited. La réalisatrice explique : "J’adore la dynamique familiale prônée par ces films et la folie de certains profils psychologiques. C’est drôle, inventif et toujours si juste et émouvant. Et puis j’aime cette culture anglo-saxonne."
"J’ai moi-même une famille internationale - ma mère est une Hollandaise farfelue, ma grand-mère était une Anglaise extravagante, j’ai des cousins un peu partout dans le monde, en Australie, au Texas, en Angleterre, aux Pays-Bas et certains sont aussi barrés que Spike dans Coup de foudre à Notting Hill."
Laurence Arné avait envie de jouer Justine, même si elle pensait qu'il serait trop difficile d’être à la fois devant et derrière la caméra. La cinéaste a donc travaillé le rôle en amont pour se sentir plus en confiance pendant le tournage. Elle se souvient : "Ça m’a beaucoup aidée. Sur le plateau, j’étais très occupée, je vérifiais la lumière, le décor, les costumes… Je n’avais plus le temps d’angoisser sur mon jeu. Et une fois qu’on disait « Action », j’étais juste à fond avec mes merveilleux acteurs."
"Le fait d’avoir mille choses à gérer, comme Justine, m’a sûrement aidée à mieux transpirer la charge mentale ! Et surtout, je n’étais pas seule ! J’ai eu une équipe incroyable qui m’a divinement bien conseillée en prépa et tout au long du tournage. Ma scripte par exemple, Juliette Baumard, mais aussi mon chef-opérateur Guillaume Schiffman ou encore Cyril Moisson, mon ingénieur du son. On était tous sur la même longueur d’ondes. On formait un quatuor très complémentaire."
Elsa Pharaon a piloté le casting enfant. Au départ, Laurence Arné cherchait des enfants musiciens, mais la réalisatrice n'a pas eu de coup de cœur. Elle voulait des acteurs avec de fortes personnalités et un vrai sens de la comédie. Elle raconte : "J’ai eu un coup de cœur immédiat sur Jehan et Ferdinand. Ils n’étaient pas musiciens mais ils se sont incroyablement investis dans un coaching intensif pendant 3 mois."
"Jehan, qui campe Joseph, est de nature hyper timide, mais quand il joue, il se lâche totalement ! Il a un vrai bagout à la Jean-Pierre Léaud - j’adore ! Et l’initiation à la batterie et au cajon l’a éclaté ! Et quand on coupait, il redevenait ce garçon introverti, solitaire, mystérieux. Il est très impressionnant. Quant à Ferdinand, qui interprète Henri, j’ai tout de suite adoré son look, son petit regard « Droopy », sa nonchalance, sa bizarrerie."
"C’était important pour le film d’avoir un ado atypique, comme Michael Cera dans Juno ou Paul Dano dans Little Miss Sunshine - un côté énervant et en même temps extrêmement touchant parce que différent, en souffrance, en pleine mutation… Ferdinand me fait penser à Vincent Lacoste, il est très drôle sans rien faire !"
Laurence Arné et le directeur de la photographie Guillaume Schiffman ont cherché à filmer la France comme un film américain. Ils avaient comme références Rain Man, Little Miss Sunshine ou encore Presque célèbre : "Je voulais cette lumière chaude et rassurante. On s’est enfermés quinze jours et on a visionné plein de films, dont tous ceux qu’on ne voulait pas faire ! Guillaume a une vraie générosité et une grande disponibilité : il adore accompagner les réalisateurs néophytes et il y prend du plaisir. On était vraiment sur la même longueur d’ondes."
"On avait la possibilité d’utiliser des murs LED pour les séquences en voiture, mais je voulais que le résultat à l’image soit organique car c’est tout le combat de Justine : reconnecter son fils à la nature, et quand il ouvre sa fenêtre, je souhaitais qu’on ressente les éléments avec lui, le vent, l’odeur des pins, la chaleur du soleil…"
En amont du tournage, Laurence Arné et les acteurs principaux sont partis pendant une dizaine de jours pour travailler les morceaux avec les compositeurs et les musiciens du film (Julien Ben Junior, son frère Jil et Antoine). Dany Boon se rappelle : "La construction de mon personnage est passée par là. Je suis musicien, ça m’a aidé ! On faisait des lectures et on jouait les morceaux avec les enfants qui avaient moins de connaissances musicales au préalable. J’ai travaillé comme un fou la chanson de Cat Stevens, Father And Son, pour avoir une totale liberté au moment du tournage."
"On tournait la scène de nuit sur une plage et je voulais jouer et chanter en direct. D’ailleurs, la chanson et la musique ont été enregistrées en son direct. C’est un moment de grande sincérité entre Ludo et Henri, son beau-fils adolescent en révolte, et les paroles ont une résonance avec leur relation. Ils n’arrivent pas à se parler et communiquent grâce à cette chanson qu’ils finissent par jouer ensemble avec beaucoup de délicatesse. C’est un dialogue émouvant qui se passe de mots."