Par son travail de compositrice, Margherita Vicario a été confrontée à la question : que pensez-vous de la place des femmes dans la musique aujourd’hui ? Pour y répondre, elle s'est lancée dans des recherches, ce qui l'a amenée à écrire Gloria! : "En retraçant l’histoire des compositrices italiennes et européennes, la découverte qui m’a le plus intriguée a été le monde fascinant des quatre Ospedali de Venise et des Figlie di Choro, les filles de chœur."
"Les orphelinats étaient des institutions d’aide aux femmes qui dispensaient une formation musicale de haut niveau – il suffit de dire que le plus connu d’entre eux, l’Ospedale della Pietà, est connu pour avoir été l’école où Vivaldi a enseigné... Ainsi, les seules personnes qui pouvaient se permettre d’étudier la musique au plus haut niveau, à l’apogée de la splendeur de la Venise baroque du XVIIIème siècle, étaient les nobles et les orphelins !"
"Mais, malgré leur excellente formation, ces artistes ne pouvaient pas faire de la musique leur profession. Ainsi, alors que les musiciens professionnels étaient formés dans des conservatoires masculins de Naples, les jeunes femmes des orphelinats vénitiens ne pouvaient aspirer qu’à un bon mariage ou à jouer toute leur vie pour la gloire de Dieu. Je me suis dit : il est impossible qu’il n’y ait pas eu d’ambitions créatives chez ces filles."
"Il devait sûrement y a voir des auteures et des compositrices extraordinaires – pourquoi si peu d’entre elles sont-elles entrées dans l’Histoire ? En imaginant tout ce qui aurait pu se dérouler dans un tel lieu, l’idée de Gloria ! est née : l’histoire de Teresa, une jeune femme à l’oreille fine et à la perception musicale libre, qui, à travers la découverte d’un piano, parvient presque à voyager dans le temps et à explorer la créativité dans sa dimension la plus pure."
Margherita Vicario avait pour objectif d’inscrire cette histoire fictive dans un contexte historique précis et riche en détails : "De Johan Stein, facteur de piano, à l’élection du pape Pie VII à Venise, du déclin de la Sérénissime aux compositions de Lucia qui correspondent à celles de la seule compositrice orpheline dont l’œuvre a survécu jusqu’à nos jours, Maddalena Laura Lombardini Sirmen."
"J’ai pris beaucoup de soin, en général, à la vraisemblance de cette histoire même si, à vrai dire, elle est parsemée d’écarts fantastiques et de sauts musicaux dans le temps. Mais elle a aussi l’ambition de montrer les conditions réelles de ces musiciennes à l’époque", précise la cinéaste.
Margherita Vicario a cherché à faire un véritable film d’époque, avec beaucoup de soin apporté aux couleurs, aux références picturales et aux détails de la scénographie : "Ce point de départ réaliste, philologique, permet l’éclosion des aspects plus « fantastiques », cantonnés au monde intérieur des protagonistes et à leurs créations musicales."
"Cela fut un long processus de préparer les actrices, à former ce groupe de sœurs soudées, et à se glisser dans la peau d’excellentes musiciennes. Elles ont étudié pendant des mois avec un professeur de violon et de violoncelle pour essayer de se fondre dans le reste de l’orchestre, qui est lui composé de vrais musiciens et de choristes de musique baroque."
"Un autre élément central fut le montage de la musique et la recherche rythmique : de nombreuses séquences ont été chorégraphiées dans l’espace comme des scènes de théâtre et ont été répétées sur place. Seul le caméraman avait la liberté d’expérimenter et de se déplacer à l’intérieur de scènes dont les mouvements et les rythmes étaient déjà prédéterminés."