Le thriller "37 : l’ombre et la proie", réalisé par Arthur Môlard, s’inscrit dans la lignée des œuvres jouant sur l’ambiguïté psychologique et les tensions morales. L’intrigue se déploie autour de Vincent, un chauffeur-routier interprété par Guillaume Pottier, et de Trente-Sept, une jeune femme enceinte énigmatique incarnée par Mélodie Wakivuamina, qu’il prend en stop sur une Aire d’autoroute. Dès les premiers instants, le film installe une tension palpable, construite sur un équilibre fragile entre la méfiance mutuelle des personnages et la montée progressive des révélations.
D’un point de vue formel, Arthur Môlard excelle dans l’installation d’une atmosphère oppressante, soutenue par une photographie travaillée, où dominent les jeux d’ombre et de lumière tamisée, et par une bande sonore immersive. La mise en scène, concentrée sur les espaces confinés — notamment la cabine du camion —, intensifie le sentiment d’enfermement et accentue la charge psychologique des interactions. Ces choix esthétiques contribuent à maintenir le spectateur dans un état d’alerte constante.
Les performances des deux acteurs principaux sont également dignes de mention. Guillaume Pottier donne à Vincent une présence taciturne et inquiétante, tandis que Mélodie Wakivuamina apporte à Trente-Sept une ambiguïté troublante, oscillant entre vulnérabilité et danger latent. Leur jeu nuancé réussit à maintenir l’intérêt, même dans les moments où l’écriture faiblit.
Si "37 : l’ombre et la proie" se distingue par la pertinence et la profondeur de son sujet — le trafic de migrants et les dilemmes éthiques des chauffeurs-routiers pris dans des systèmes d’exploitation —, il souffre néanmoins d’une écriture scénaristique trop superficielle pour rendre pleinement justice à cette thématique. Paradoxalement, ce n’est pas le traitement du sujet qui est survolé, mais bien la cohérence narrative qui s’effrite à mesure que le récit avance. Certaines décisions et réactions des personnages manquent de crédibilité, créant des ruptures dans l’immersion et affaiblissant l’impact émotionnel de scènes pourtant riches en potentiel.
D’un point de vue critique, le film met en lumière un conflit central particulièrement intéressant : celui d’un protagoniste déchiré entre son rôle dans un système oppressif et sa tentative de préserver une part d’humanité. Cette dimension aurait gagné à être davantage solidifiée par un scénario plus rigoureux.
En définitive, "37 : l’ombre et la proie" est une œuvre à la fois frustrante et captivante. Si Arthur Môlard démontre une véritable maîtrise formelle et une ambition thématique louable, les failles du scénario viennent ternir un tableau prometteur. Reste un thriller intrigant et engagé, qui, malgré ses maladresses, parvient à maintenir le spectateur en haleine tout en abordant une problématique contemporaine essentielle.