Vu ce soir, mais pas en avant-première comme je le croyais initialement, au cinéma Jacques Tati de Saint-Nazaire le film La grâce, en présence de son réalisateur Ilya Povolotsky, qui a répondu, avec grâce, à quelques questions à la fin de la projection. Un film que je recommande très chaudement mettant en scène des personnages reliés charnellement à la nature, mais dont le drame est cet arraisonnement de la nature par la Technique qui les laisse désemparés, exilés, et privés de chez-soi, dans des paysages saccagés, ruinés, vidés de toute substance, comme après le passage d'un ouragan ou comme à l'issue d'une apocalypse provoquée par on ne sait quoi. Les personnages donc ne vivent pas réellement, mais sont comme les survivants d'un cataclysme qui les aurait laissés complètement mutiques, privés des mots qu'ils pourraient mettre sur leurs maux ainsi que nous avons l'habitude de le faire en France, et nous plongent dans leur ennui abyssal qui agit par contagion sur le spectateur. Mais qu'Ilya, cinéaste très sympathique au demeurant, ultrasensible, ne se fasse pas trop d'illusions sur notre pays et ses habitants chez qui, si j'ai bien compris et bien qu'il ne parle pas un mot de français mais très bien l'anglais, il est venu se réfugier. Dans ce pays de l'individualisme cartésien, il ne sait peut-être pas encore que la plupart des hommes sont aveuglés par des idées, progressistes le plus souvent, qui les empêchent d'appréhender le réel avec une perception intuitive typiquement russe, empreinte de fatalisme et de résilience. Autrement dit les paysages sont aussi ruinés par la Technique, ici qu'en Russie, la seule différence est que la plupart des Français n'ont plus un contact assez charnel avec la nature pour s'en rendre compte ; effectivement je ne connais aucun cinéaste en France qui se soit réellement penché sur cette question, peut-être parce qu'à la différence des Russes nous n'avons jamais eu l'expérience de ces grandes étendues isolées et désolées.