C'est lorsque Natja Brunckhorst faisait des recherches sur un autre sujet que celui de cette affaire des billets de banque est-allemands entreposés à Halberstadt qu'elle a trouvé, dans un livre, une phrase–clé : « Les billets de banque de la RDA étaient stockés dans une galerie ». La cinéaste se rappelle : "C'est sur cette phrase que je me suis arrêtée. C'est là, et cela ne m'arrive pas très souvent, que j'ai eu un déclic et que je me suis dit : c'est très cinématographique ! Avec de l’action ! J'ai fait des recherches à ce sujet, je suis allé à Halberstadt, j'ai vu la galerie – elle fait 300 mètres de long et 8 mètres de haut – et j'ai parlé à beaucoup de gens."
"Cette histoire était incroyable, tout était réel ! L'argent était caché là et destiné à pourrir. Il y a eu des cambriolages, mais jusqu'à aujourd'hui, on ne sait pas combien a été volé. J'ai tout de suite compris qu'il fallait raconter l'histoire de ces cambrioleurs. Elle pouvait donner naissance à une comédie chorale, un peu dans la lignée du film irlandais Vieilles Canailles où tout un village s’unit pour tenter de récupérer le billet de loterie gagnant d’un habitant qui vient de mourir… C’est un schéma narratif classique, revisité pour dans époque que je trouve si passionnante : 1990 – une année où personne en Allemagne ne savait vraiment où il allait."
Si la ville de Gera a offert à Natja Brunckhorst et son équipe beaucoup de bons lieux de tournage, le plus important était de trouver l'immeuble. La réalisatrice précise : "C’est presque un personnage à part entière et nous avons envoyé des gens partout pour le chercher. Et puis il était là. Exactement ce que nous cherchions : un bâtiment partiellement vide à Gera-Lusan, un quartier de Gera, qui était autrefois une auberge de jeunesse. En bas de l'immeuble, il y avait un ancien restaurant et, juste à côté, des garages. J'aurais aimé tourner dans la galerie d'origine de Halberstadt, où l’argent était initialement stocké."
"Mais cet entrepôt avait entre-temps été entièrement vidé, non seulement en raison des cambriolages, mais aussi parce qu'il avait changé plusieurs fois de propriétaire et que tout avait été démonté. Au lieu de cela, nous avons tourné dans un complexe de stockage à Rothenstein, près de Iéna. On nous a ouvert la porte et tout était là, exactement ce dont nous avions besoin."
Natja Brunckhorst voulait éviter les clichés et rechercher l'authenticité. Elle a ainsi choisi uniquement des vêtements de l'époque. La cinéaste ajoute : "Et, pour le tournage, nous avons établi des règles : pas de blagues sur les vêtements ! Nous ne voulions ridiculiser personne. Et cela a très bien fonctionné. Tout le monde a l'air bien dans ce qu'il porte, car ce sont nos héros. Dans le film, on voit beaucoup de bleu clair : pour moi, c'est aussi un symbole de légèreté. Martin Langer, notre caméraman, a travaillé avec des objectifs anamorphiques, ce qui a provoqué ici et là des « flares » qui renforcent encore l'impression de chaleur."
"Nous avons pour ainsi dire tourné le film avec une température extérieure imaginaire de 36 degrés. C’est un tournage dont je suis sortie de bonne humeur. La musique de notre compositrice Hannah von Hübbenet nous y a également aidés. Nous avions décidé de ne pas utiliser de musiques d’époque. La Belle affaire a quelque chose d'intemporel, et cela devait aussi transparaître dans la musique. C'est ainsi qu'est née la bande-son, un peu country et légère, mais avec une bonne part de profondeur scandinave."
23 avril 1990
Sur décision de la banque d'État de la RDA, le stockage de l'ensemble des billets de banque de la RDA commence à l'UTA (installation souterraine) de Halberstadt, plus précisément dans ce que l'on appelle le Komplexlager 12 de la NVA (Nationale Volksarmee), une installation de tunnels et de galeries construite à la fin de la guerre par des détenus de camps de concentration. La valeur totale des billets s'élève à environ 109 milliards de marks de la RDA, le poids total à environ 3.000 tonnes. Les billets de banque sont censés pourrir derrière des murs de béton de deux mètres d'épaisseur. On n'y stocke pas seulement des billets usagés et invalidés, mais aussi de la monnaie papier fraîchement imprimée. Parmi eux se trouvent des billets de 200 et 500 marks qui n'ont jamais été mis en circulation.
1er juillet 1990
Pour réaliser l'union monétaire, les salaires, les pensions et les loyers des citoyens de RDA sont convertis au taux de un «ostmark» pour un deutsche mark, de même que les avoirs d'épargne jusqu'à un montant maximal de 6.000 marks de la RDA. Les montants supérieurs sont échangés au taux de 2 pour 1 (ce que rappelle le titre original du film). Ce sont des taux plutôt avantageux pour les citoyens d’Allemagne de l’Est. Au marché noir, les marks de RDA s’échangeaient plutôt à 5 contre 1.
6 juillet 1990
C’est la date fatidique au-delà de laquelle la population est-allemande ne peut plus changer ses devises. Une exception est fixée pour les citoyens de la RDA vivant en dehors du pays qui ont droit à une semaine de plus. Ce n'est que dans des cas exceptionnels et justifiés qu'il est possible de prolonger ce délai jusqu'au 30 novembre 1990.
3 octobre 1990
Le traité d'unification entre en vigueur - l'Allemagne est réunifiée, la RDA n'existe plus.
1994 - 2000
Les contrôles périodiques de la galerie de Halberstadt ne révèlent aucune anomalie.
2001
En juillet 2001, l’organisme qui a succédé à la banque d’État est-allemande apprend de la part de collectionneurs qu'un nombre remarquablement élevé de billets de banque de RDA comme neufs sont proposés sur le marché des collectionneurs, dont des billets de 200 et 500 marks qui n’ont jamais circulé. Un contrôle révèle que les voleurs ont apparemment accédé à UTA par les conduits d'aération. La galerie dans laquelle l'argent était stocké avait été forcée. Deux hommes, les sacs à dos remplis de billets, sont arrêtés en flagrant délit. La KfW sécurise et inspecte la galerie : les billets s'empilent dans des sacs jusqu'à une hauteur de 6 mètres sur une longueur totale de 300 mètres. Contrairement aux prédictions de la banque d'État, l'argent ne s'est pratiquement pas détérioré.
Juin 2002
Après la décision d'incinérer les billets, l'élimination est préparée. Au total, 298 conteneurs de billets sont transportés et incinérés.
Juillet 2002
Les deux voleurs de billets arrêtés sont condamnés à une peine avec sursis de quatre mois chacun. Une chose est sûre : ils ne sont pas les seuls à s'être introduits dans les galeries. Le montant total de l'argent dérobé reste inconnu.