Chinois
Oui ! Le polar de Wei Shujun est chinois… complètement chinois… beaucoup trop chinois. Bien sûr « chinois » s’entend dans l’acception « tortueux »ou « alambiqué ». Car au bout des 102 minutes, somptueuses visuellement, on sort du ciné totalement abasourdi… on n’a rien compris. En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d'élucider l'affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s'enfonce dans le doute... Pour ce qui est du doute, il n’est pas le seul à s’y enfoncer, pour ma part, j’ai eu peur un court instant d’être devenu un parfait crétin. La lecture des avis sur internet m’a rasséréné. Allez-y et si vous comprenez, faites moi signe.
Une seule évidence, l’aspect formel tutoie la perfection. Le noir et blanc sur une pellicule – eh oui ! – en 16mm, les jeux de lumières, l’utilisation savante du clair-obscur, la musique de Beethoven, tout est magnifique. Non le problème est dans l’adaptation d’une nouvelle – que j’avoue ne pas avoir lue, mes capacités en mandarin se limitant à dire bonjour, au-revoir et merci… c’est vous dire -, véritable labyrinthe, mi réel, mi-mental – on peut songer plus d’une fois à David Lynch, car ce ne sont pas les suspects, voire les coupables qui manquent. Non, ce qui manque et perturbe, c’est l’absence croissante de logique, voire de simple cohérence dans toute cette histoire. Shujun Wei accumule les plans indéfinis et les coupes qu’il voudrait malicieuses, nous empêchant de saisir réellement ce qui se passe à l'écran. C’est d’un agaçant ! Il ne suffit pas de se prendre pour le coréen Bong Joon Ho, - revoyez son Memories of Murder, un pur chef d’œuvre -, pour lui arriver à la cheville. Ici, très vite, le scénario n’existe même plus enseveli sous je ne sais combien de plans en forme de rêve, d’hallucinations, d’innombrables aller-retour entre la fiction et le réel, le passé et le présent. Nébuleux, fuligineux, insupportable de prétention.
En tête d’affiche le couple Ma Zhe et Bai Jie fait le boulot. Mais honnêtement, le flic au centre de l’intrigue semble largement aussi perdu et dépassé que le spectateur
au point de ne pas résoudre l’énigme dont il a la charge et dont il semble se désintéresser de plus en plus au fur et à mesure du film
. Certains y ont vu du mystère, un vertige grandissant, d’autres, un film de pluie, de nuit, de solitude et d’angoisse. Ce qui est plus proche de la vérité. Pour ma part, j’ai surtout le souvenir de ma lutte permanente contre une sournoise envie de dormir. Dans un polar, c’est franchement pas bon signe.