Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2024.
Avant Diamant Brut, Agathe Riedinger avait réalisé un court-métrage en 2017, J’attends Jupiter, dans lequel figurait déjà le personnage de Liane. Ils nourrissent également les mêmes thèmes, comme la fascination pour les strass et les paillettes. Toutefois, si la Liane de Diamant Brut est obnubilée par la télé-réalité, celle du court-métrage, qui vit au XIXe siècle, est fascinée par les "cocottes" de l’époque, à l'image d'Émilienne d’Alençon ou Liane de Pougy.
À travers son long-métrage, Agathe Riedinger dénonce dans la télé-réalité : "le mépris de classe, l’hypersexualisation de la femme et le sexisme qu’elle affiche, la culture du viol qu’elle alimente, les valeurs conservatrices et ultra- consuméristes qu’elle prône", selon la réalisatrice. Toutefois, elle n'attaque pas les candidats, qui y trouvent souvent un "moyen de s’en sortir", pour les plus modestes.
Le film a été tourné en 4/3. Un choix délibéré de la réalisatrice, comme elle l’explique :
"Je trouve qu’il sublime tout. Il renforce la composition graphique de l’image, le placement des masses, des ombres et lumières, de l’air. C’est aussi un format qui permet de travailler le hors-champ de manière très forte. Et en renforçant le dehors, on resserre le dedans, donc l’idée d’enfermement, d’étouffement nécessaire pour Diamant brut. Par ailleurs, je voulais que le film soit très immersif, que l’on soit collé à Liane, que l’on suive les sauts de son cœur, et le 1:33 permettait de vraiment braquer le regard sur elle."
La colorimétrie et la lumière de Diamant Brut est très particulière. Agathe Riedinger a travaillé avec le chef opérateur Noé Bach avec de multiples références en tête, relatives à la peinture religieuse, la photo ou les clips. Ensemble, ils ont souhaité jouer sur les contradictions entre la lumière des néons et le crépuscule, afin de donner au film une tonalité "âpre et délicate". Le but recherché ? "Célébrer ce qu’on juge de mauvais goût comme quelque chose de beau et de touchant.", confie la cinéaste avant de poursuivre : "Je fatigue tout le monde avec cette phrase qu’a dite le peintre Martial Raysse : 'Le mauvais goût, c’est vouloir à tout prix la beauté absolue ». Vouloir la beauté absolue, c’est une quête romantique et naïve. Il n’y a rien de plus authentique que l’artifice, c’est profondément humain !'"
L’action de Diamant Brut se déroule à Fréjus, dans le Var. Une ville qui n’a pas été choisie au hasard par Agathe Riedinger, puisqu’elle est à mi-chemin entre "les codes d’une Côte d’Azur qu’on a l’habitude de voir" et "un milieu populaire par le béton d’une cité". Outre son ancrage politique — la ville est dominée par l’extrême-droite depuis de nombreuses années — elle est entourée de Cannes et de Marseille et, selon la réalisatrice, "n’a ni le glamour de la première ni la vivacité de la seconde". Fréjus rappelle cependant une image de l’Amérique, la dolce vita italienne et les villes ouvrières d’Angleterre. Un décor idéal pour figurer une héroïne, qui a du mal à trouver sa place.
Agathe Riedinger a voulu à nouveau jouer sur les contrastes, comme pour les prises de vue et le maquillage/habillage. Ainsi, le bruit du vent, des moteurs de scooters ou la musique qu’écoutent les personnages, sont décuplés. Par opposition, les silences sont nombreux dans le film, pour signifier l’ennui ou l’attente. En outre, la compositrice Audrey Ismaël a privilégié le violoncelle dans la BO de Diamant Brut, qui représente la force et la fragilité de Liane.
Diamant Brut est l’expression qu’utilise Dino pour qualifier Liane. Mais Agathe Riedinger a aussi choisi ce titre pour plusieurs autres raisons, comme elle l’explique : "Il y a là l’idée du joyau encore non révélé, qu’il faut tailler, ce que fait Liane avec elle-même, et ce que fait le spectateur en découvrant au fur et à mesure toutes ses facettes."
Si les acteurs du film sont pour la plupart méconnus du grand public — voire non professionnels — ou n’ont fait que des seconds rôles, Andréa Bescond y incarne la mère de l’héroïne, avec qui elle entretient un rapport conflictuel.
Agathe Riedinger ne voulait pas d’une actrice connue pour camper son héroïne. Sa directrice de casting, Julie Allione,a réalisé un casting sauvage de huit mois dans le sud de la France afin de trouver Liane. Malou Khebizi a ainsi décroché le rôle après de nombreuses auditions, tout comme les comédiennes qui jouent ses amies. Toutes trois ont ensuite suivi des ateliers pour apprendre à lire et exprimer les émotions de leurs personnages.
Dans Diamant Brut, Dino est interprété par Idir Azougli. Un personnage qui existait déjà dans J’attends Jupiter (2017) le court-métrage d’Agathe Riedinger, et joué par Alexis Manenti. Trop âgé pour reprendre son rôle, il incarne cette fois dans le film le rôle de Nathan… son grand frère !
Agathe Riedinger et sa productrice Priscilla Bertin ont beaucoup joué sur le regard dans Diamant Brut, comme elle le déclare :
"C’est une notion très vaste, que je voulais explorer en créant une sorte de grand procès, puisque le regard amène l’attente et le jugement. Il y a le regard de la société sur Liane, le regard amour / haine de son public, qui la nourrit, le regard de dépit qu’elle a pour ses amies et sur les hommes. Et bien sûr, le regard fasciné qu’elle pose sur les icônes de télé-réalité ou des réseaux sociaux."
Le thème de la religion revient en filigrane tout au long du film, notamment à travers le titre de la télé-réalité, qui s’intitule Miracle Island mais aussi par le vocabulaire employé, la directrice de casting semblable à une déesse, le chirurgien plastique comme une sorte de Dieu pour Liane, les prières, les filtres ou encore la voiture de sport dans un reflet.