J'ai vu ce film assez jeune, avec une connaissance quasi inexistante de la Révolution française. Ce que les cours de lycée m'en avaient appris, autrement dit rien. Au premier visionnage, j'ai haï Robespierre comme aucun autre méchant de film. Après tout, lui a bien existé, bien des gens ont souffert pendant cette époque et tout dans le film suggère d'un trait appuyé qu'il est responsable de ces souffrances. La mise en scène jouissive et joyeuse de sa mort, toute déshumanisante et choquante qu'elle puisse paraître à quiconque attraperait le film par sa fin, vient comme un véritable soulagement. Enfin, le décapiteur goûte à sa propre médecine, et l'on assiste au générique avec satisfaction.
Bien des années plus tard, ayant écouté les jugements de toutes les nuances, j'ai réalisé à quel point ce film était fait pour provoquer ce dégoût que j'avais ressenti alors, ce dégoût de Robespierre. Un homme qui n'a rien d'un saint, mais qui avait des convictions, sociales, humanistes. Un homme qui en a envoyé d'autres à la guillotine, certes, mais quel parlementaire de l'époque n'a jamais voté la mort? Ses idées, ses actions politiques, sa doctrine sociale, sont toutes occultées par l'émotion suscitée par la Terreur. Et parallèlement, d'authentiques corrompus comme Danton ou Mirabeau, Danton en particulier, sont peins en héros et en martyrs. Desmoulins, la chose de Danton, se voit amplifié comme le martyr exemplaire, prêt à mourir pour sa cause, laissant femme et enfant derrière ses idées.
Je n'ai rien à redire à la réalisation technique du film. Il est très bien fait, assez bien joué, et cohérent pour ce qu'il cherche à faire. C'est à dire à dépeindre de façon flatteuse les Girondins, ces honnêtes gens, bourgeois, commerçants, libéraux économiques, dont à aucun moment on ne nous dit leur doctrine politique, celle de la propriété "sacrée", du maximum non sur le prix du pain mais sur celui des salaires, celle de la loi Le Chapelier interdisant le groupement des ouvriers pour défendre leurs intérêts, etc etc. Il est très bien fait pour susciter de l'émotion et présenter les faits sous un angle toujours défavorable envers les Montagnards. Mais pas pour présenter une vision réellement nuancée de la période révolutionnaire. Dans la foulée, le Napoléon avec Christian Clavier de TF1 n'aurait pas dépareillé : un film de facture convenable, glorieux, mettant convenablement de côté les aspects négatifs et très négatifs de son règne pour se concentrer sur une jouissive exaltation du sentiment national.
C'est donc uniquement pour la qualité technique du film que je lui conserve deux étoiles. En regrettant énormément de lire dans les commentaires, tant de dithyrambes et d'acceptation béate des faits présentés dans ce film comme une vérité absolue. Je voudrais encourager tout le monde à se nourrir d'autres sources, que celles fournies avec complaisance par un historien du bord conservateur de la société.