Après avoir étudié les arts plastiques et les arts du spectacle, Adrien Beau commence sa carrière en tant que designer et plasticien chez John Galliano et Christian Dior. Il réalise son premier court-métrage, La Petite Sirène, en 2009, puis un moyen-métrage en 2011, Les Condiments irréguliers. Le Vourdalak est son premier long-métrage.
Le Vourdalak adapte La Famille du Vourdalak : Fragments inédits des Mémoires d'un inconnu, une nouvelle rédigée en français vers 1840 et publiée de façon posthume en 1884, écrite par Alexeï Konstantinovitch Tolstoï, cousin éloigné de Léon Tolstoï.
Adrien Beau a beaucoup exploré durant son adolescence la littérature fantastique du XIXe siècle. Quand Judith Lou Levy, la productrice, lui a proposé de faire un film de vampire, il s'est replongé dans ces textes. C'est à ce moment-là qu'il a découvert la nouvelle d'Alexeï Konstantinovitch Tolstoï, écrite près de 50 ans avant le Dracula de Bram Stoker. Contrairement à la figure du vampire façonnée par ce dernier, le vampire du Vourdalak n'est pas un aristocrate dormant dans un cercueil, mais un paysan. Il est entre le vampire et le mort-vivant. Le Vourdalak (mot dérivé du grec Vrykolakas qui désigne un mort-vivant) est une sorte de proto-vampire.
"Cela montre à quel point, avant de devenir ce personnage archétypal et glamour, le vampire était une superstition de la vie quotidienne, une véritable croyance pour certaines personnes dans des régions reculées d’Europe, et une vraie source de terreur pour des générations. Il s’agit d’une expression de la peur très primitive du corps, de ce qu’il peut faire, de ses mystères et ses transformations, de la peur du toucher, de l’amour et de la décomposition... Cette histoire ne parle que de cela et elle m’a semblé très attrayante car, comme beaucoup de gens, je n’ai pas encore compris, ou décidé, si je suis un corps ou si j’en ai un."
Le Vourdalak est interprété par une marionnette de la taille d’un homme adulte, imaginée, construite, en partie animée et doublée par Adrien Beau : "J’ai souvent construit des marionnettes pour différents projets (au théâtre, au cinéma ou dans la mode), mais l’idée de faire interpréter Gorcha par l’une d’entre elle ne m’est pas venue tout de suite". Puis il s'est rendu compte qu'une marionnette permettait une matérialité réelle que les CGI ne pouvaient pas restituer, tout en provoquant une sensation qu'un acteur ne pouvait pas faire éprouver.
Sur le plateau, Adrien Beau manipulait Gorcha soit avec Loelia Hérissé, soit avec Franck Limon Duparcmeur. "Mon acolyte opérait l’un de ses bras, quant à moi, j’avais une main dans sa tête tandis que j’animais simultanément le second bras du personnage. Je n’avais pas forcément envisagé de m’investir autant dans tous ces aspects de Gorcha, mais c’est un désir qui s’est imposé assez rapidement pendant l’écriture, et plus encore dès qu’on a commencé à penser le projet en termes de fabrication", signale le réalisateur. Chaque plan de Gorcha était tourné deux fois, (une fois avec Gorcha et les manipulateurs, et une fois vide) puis les manipulateurs ont été effacés de l’image grâce au travail de la CGEV (Compagnie Générale des Effets Visuels).
La principale inspiration pour créer l'imagerie du Vourdalak a été le Nosferatu de Murnau. Le réalisateur explique : "Cette figure squelettique aux yeux profondément enfouis dans des orbites ténébreuses, se déplaçant comme une bête à l’affut, avec ses doigts griffus, est pour moi l’une des créatures les plus puissantes que le cinéma a créé. Je voulais que Gorcha soit un cadavre, un cadavre en mouvement." Sa spécificité est qu'il ne se nourrit que du sang des êtres qu’il aime ou a aimés, "pervertissant l’amour même et faisant du cocon familial, censé représenter la sécurité, le lieu de tous les périls. [...] En tant qu’ancêtre des vampires, le Vourdalak va encore plus loin dans son objectif démoniaque de mort et de destruction : pervertir tout sentiment d’amour."
La bande-originale est composée par Martin Beau, le frère du réalisateur, et sa compagne, Maïa Xifaras. "De formation classique, ils étaient un choix évident pour accompagner un film qui joue autant avec les codes, avec la représentation de mondes et de cultures dont nous sommes à priori éloignés dans le temps. Ils nous ont permis d’appréhender la musique comme autant de thèmes accompagnant les personnages, notamment celui de Sdenka, qui est décliné dans tout le film, jusqu’à son dernier tiers, où ils ont pu composer avec toute la puissance et la sophistication qu’ils espéraient", précise Adrien Beau.