Saint-Ex : les secrets du tournage

Pablo Agüero est né au pied de l'Aconcagua, au centre-ouest de l'Argentine, où Saint-Exupéry survolait tous les jours à la recherche inlassable de son ami perdu. Le réalisateur confie : "Chez moi, il n'y avait qu'un livre : Le petit Prince. Ce conte philosophique m'a aidé à surmonter l'extrême précarité de mes conditions de vie, me poussant à bâtir mon propre univers imaginaire."

"Après avoir vécu la deuxième moitié de ma vie en France, l'idée de retourner à la Cordillère des Andes pour filmer les aventures de Saint-Ex et les origines de son œuvre s'est imposée comme une nécessité. Je voulais tout simplement rendre au Petit Prince ce qu’il m’a apporté et partager avec les spectateurs le bonheur simple de s’envoler avec Saint-Exupéry au-dessus des montagnes."

Saint-Ex s'intéresse à une semaine particulière de la vie du personnage. Pablo Agüero a voulu faire un film dans l'esprit de Saint-Exupéry, comme il l'explique : "Un film poétique, un conte. J'ai choisi de raconter une semaine de sa vie qui a été déterminante à la fois pour l'aventurier et pour l'écrivain."

"La recherche de son ami Guillaumet, perdu dans la Cordillère, forge le grand pilote, celui qui finira par donner sa vie dans la lutte contre le fascisme. La série de rencontres et découvertes qu'il fait en Argentine inspire le poète, celui qui écrira, dix ans plus tard, l'un des contes les plus universels de l'Histoire."

Pablo Agüero et Louis Garrel ont construit un Saint-Ex décalé, éternellement enfantin, presque naïf, avec une touche d'humour et de second degré. Le metteur en scène précise : "Désinvolte et inconscient, son Saint-Ex n'est pas une imitation du Saint-Exupéry des archives historiques, mais la quintessence du rêveur."

"Avec Vincent, on a joué avec les clichés de ce qu'il représente dans l’inconscient collectif : un héros français, viril, infaillible, un peu grande gueule aussi. Pour ensuite le briser, le laisser s'effondrer comme un enfant à la fin. Il y a une évolution inversée entre Saint-Ex, l’homme fragile qui devient le héros, et Guillaumet, le héros qui devient fragile."

"Avec Diane Kruger, on a cherché un ton néoclassique, proche du film noir et du romantisme sombre des années 1930. On a longtemps cherché une coupe de cheveux atemporelle et, inspirés par l'élégance d'Anne Lindbergh, on a confectionné pour elle un ensemble en cuir gris brillant et un bonnet-casque rétrofuturiste."

Louis Garrel et Vincent Cassel se connaissent bien, puisqu'ils ont joué ensemble dans Mon roi de Maïwenn et Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan et Milady.

Pablo Agüero a cherché à donner au film une apparence très simple, presque rustique. Mais cette recherche de simplicité et d'épure a été très complexe : "On a passé deux ans à tourner par intermittences sur la cordillère des Andes et en Patagonie, en hiver, par -20°, en été seulement au crépuscule et au lever du jour, pour obtenir des images à la fois organiques et irréelles."

"On était parfois quatre personnes à tenir la caméra pour que les tempêtes de neige ne l'emportent pas et on a dû inventer des techniques pour réchauffer les batteries des drones qui au début tombaient après quelques mètres de vol, le moteur gelé."

"A partir de ces images, pendant deux ans d'expérimentations avec une équipe de jeunes monteurs qui ont été formés exprès pour ce film, on s'est servis de technologies de pointe pour finalement retrouver l'esprit de Méliès : le collage presque « artisanal » de différentes couches d'images de prises de vue réelles pour créer cette esthétique propre aux contes", confie le réalisateur.

Pablo Agüero et la directrice de la photographie Claire Mathon voulaient que Saint-Ex soit un film argenté, parsemé d'éclats dorés. Le metteur en scène se rappelle : "C'est la lutte entre la vie et la mort. Dans ces paysages d'un gris froid où Guillaumet s'est égaré, le soleil surgit, brûlant, à la fois symbolisant la vie, l'espoir, et rappelant comme une horloge implacable les jours et nuits passés à survivre dans la Cordillère."

"Cette inspiration est venue des décors : le blanc sur blanc d'une tempête de neige ou le bleu-gris pétillant d'une mer de nuages que le soleil du crépuscule incendie soudain de tons orangés... On a construit tous les décors intérieurs dans cette même gamme chromatique. On a beaucoup utilisé pour cela ce qu'on appelait le 'noir Soulages' : des décors d'un noir profond, mais brillant et texturé, que le reflet d'une lumière rend argentés."