Mal Viver forme un diptyque avec Viver Mal. Le réalisateur revient sur cette structure : "Je voulais faire deux films qui traitent des mêmes thèmes, avec des intrigues qui se déploient dans le même espace, au même moment. Les personnages secondaires du premier film sont les personnages principaux du second, et vice versa. Les titres Mal Viver et Viver Mal reflètent ce jeu de miroirs. Je vois toutefois ces films comme deux œuvres individuelles et autonomes."
Les deux films ont été tournés en même temps, en suivant un scénario précis en préparant chaque plan de manière à monter directement en tournant. "J’avais les plans de l’hôtel et j’ai organisé le tournage en fonction, en l’adaptant à la structure de l’hôtel."
"Le film émane de cette idée que les mères peuvent plonger leurs filles dans l’opprobre et le déshonneur, et ces tourments-ci se transmettent de génération en génération", révèle João Canijo. Il suit dans son film trois générations de femmes victimes de l’anxiété maternelle : celle d’une grand-mère qui l’empêche d’être une bonne mère pour sa fille, elle-même incapable de l’être pour sa propre fille. Le scénario a été créé à partir de deux ans de discussions et de répétitions avec les comédiennes, dans le but de recueillir l’essence de chacune d’entre elles.
Très intéressé par le travail d'Ingmar Bergman, João Canijo a décidé de se tourner vers celui qui était le maître à penser du cinéaste : le dramaturge August Strindberg. Il s'est inspiré en particulier de trois de ses pièces pour concevoir Mal Viver/Viver Mal : Jouer avec le feu, l’histoire d’un mari qui n’arrive pas à s’investir dans sa relation avec sa femme, mais qui se rend compte qu’il l’aime, après tout, lorsqu’il est sur le point de la perdre ; Le Pélican, qui parle d’une mère-poule égoïste encourageant le mariage de sa fille simplement pour faciliter sa propre affaire avec son beau-fils ; et Amour d’une mère, qui aborde le thème d’une mère qui vit par procuration à travers sa fille, au point d’empêcher cette dernière d’embarquer dans une grande histoire d’amour. Le réalisateur souligne : "Les pièces ont seulement été utilisées comme source d’inspiration, comme motif pour une réécriture libre entièrement adaptée à notre époque."
João Canijo souhaitait que l’endroit où se déroule le film fasse l’effet d’une prison ou d’un cul-de-sac pour les personnages principaux : "La famille qui est propriétaire de cet établissement ne peut pas s’enfuir, et les hôtes non plus, du moins pour la durée de leurs vacances. Je voulais que le bâtiment lui-même ait une allure particulière, qu’il ne soit pas trop neuf, qu’il ait quelque chose de décrépit", confie-t-il.
L'hôtel qui a servi de décor au film était vide lors du tournage, en raison de la pandémie. Toute l'équipe y était donc confinée. "Ça a été formidable, parce que ça nous a permis de travailler de manière très concentrée. L’hôtel est encore en activité et il marche assez bien."
Mal Viver et Viver Mal ont fait l’objet de deux méthodes de travail très différentes. Avec Mal Viver, il y avait plus de "manipulation" des acteurs, du propre aveu du réalisateur : "je savais déjà où je voulais les emmener, mais je voulais qu’ils y parviennent d’eux-mêmes. Les scènes-clés et les dialogues-clés existaient déjà, et faisaient partie d’un travail thérapeutique pour moi. J’ai fait une thérapie pendant un an - je n’ai d’ailleurs pas induit la psychologue en erreur sur mes intentions : elle savait quel était mon but. J’en ai tiré beaucoup, et le scénario est devenu très organisé. Donc il y avait bien un degré de manipulation nécessaire pour pouvoir traiter de l’anxiété."