Maxime Caperan a eu l'idée d'Un monde violent lorsqu'il était à la FEMIS, où il fantasmait sur un film noir qui parlerait de tragédies humaines, proche du cinéma de James Gray. Le jeune metteur en scène a réalisé un premier court métrage en sortant de l’école en 2015, Les Guerriers, qui allait un peu dans cette direction (déjà avec Kacey Mottet-Klein) :
"J’ai donc eu envie de le développer en long tout en y injectant du cinéma de genre et en décidant de m’inscrire dans une arène plus rurale pour parler de la France périphérique, et à travers elle de déclassement, de déterminisme social. Des réflexions qui m’ont animé pendant toutes ces années. Pour autant, il ne s’agissait pas de faire un film politique."
"Un monde violent n’a rien d’un film à message. Mais je le voulais ancré dans le monde d’aujourd’hui, dans un territoire donné, précis, avec des thématiques de film noir certes mais sans basculer dans un film de gangster. Partir d’un fait divers pour raconter la tragédie d’hommes ordinaires dans un monde qui ne va pas très bien."
"Et donner à voir des gens que le cinéma montre trop peu, qui ont tendance à être souvent stigmatisés et instrumentalisés et dont en réalité tout le monde se fout un peu, alors qu’ils sont au centre de l’actualité politique. J’avais vraiment envie de leur donner une visibilité, un espace sans être dans le jugement ni la complaisance", se rappelle Maxime Caperan.
Pour l'écriture des deux frères, Sam et Paul, l’idée centrale était de construire deux personnages opposés l’un à l’autre. Maxime Caperan précise : "Le premier que j’ai élaboré parce que plus proche de ma sensibilité, c’est celui de Sam. Un garçon assez mutique, mal dans sa peau, avec l’impression d’étouffer dans sa vie et qui rêve d’autre chose. Un garçon au fond toujours un peu adolescent. Dans mon court métrage Les Guerriers, le personnage avait seize ans."
"Ici, il en a vingt-trois ou vingt-quatre. On a construit le grand frère, Paul, comme un miroir inversé : flamboyant, grande gueule, beau gosse, très à l’aise, qui exerce malgré lui une forme de domination sur Sam avant que ce rapport, sans totalement s’inverser, se complexifie dans le drame. Et à travers eux, je voulais raconter une histoire d’amour fraternel avec ses hauts et ses bas."
Pour la lumière d’Un monde violent, Maxime Caperan a fait appel à Eva Sehet, qui avait signé celle des deux premiers courts-métrages du réalisateur (et qui est la compagne de ce dernier) : "Comme avec Thomas ou Alexandre Donot, mon monteur, on a grandi ensemble. J’aime travailler « en famille ». Même si elle ne les partage pas tous, Eva connaît mes goûts de cinéma et la manière dont ils ont évolué et se sont précisés. On a revu, pour s’en inspirer, énormément de films. A 80 % du cinéma américain, le Nouvel Hollywood en tête, celui auquel j’ai été biberonné", confie-t-il.
Maxime Caperan a commencé à se pencher sur le casting d'Un monde violent une fois le scénario suffisamment abouti. A une exception près : Kacey Mottet-Klein, pour qui le réalisateur a quasiment écrit Sam. Il explique : "Pour son frère Paul, au-delà évidemment du talent du comédien, je cherchais aussi un physique. Une beauté à la Delon qui imprime l’écran."
"Or j’avais été très marqué par la performance de Félix Maritaud dans Sauvage. Ce qu’il y dégageait correspondait exactement à ce que je recherchais."
Maxime Caperan a tourné Un monde violent en numérique car la pellicule était trop chère. Toutefois, le cinéaste en a conservé l’esprit en injectant du grain à l'image, ainsi qu'en jouant des contrastes entre blancs éclatants et des noirs très sombres, avec cette idée de visages assez marqués. Il raconte : "J’avais envie d’une mise en scène baroque, de choses assez flamboyantes, de travellings, d’effets de style."
"Je souhaitais en tout cas une mise en scène très présente à l’écran, tout sauf invisible. Et pour répondre à un certain nombre de contraintes financières, on s’est appuyé sur le plus de longue focale possible pour renforcer cette sensation de tension et ne jamais lâcher mes personnages."
L’un des grands défis d'écriture a été de maintenir cet équilibre entre film noir et chronique sociétale : "C’est le pari qu’on a fait avec Thomas Donner, l’impression d’un film assez simple avec une intrigue qu’on pourrait résumer en une phrase : deux frères qui tuent quelqu’un et vont devoir en assumer la culpabilité, source de division entre eux."
"Tout en essayant de raconter énormément de choses en sous-texte. Il fallait à la fois maintenir une tension qui va croissante et se laisser des espaces où déployer nos thématiques. Trouver l’équilibre a ressemblé à la construction d’un château de cartes où, à chaque instant, un simple petit élément pouvait tout faire s’écrouler", se souvient Maxime Caperan.