Priscilla : les secrets du tournage

Sofia Coppola déclare : "J’ai été très émue par les souvenirs de Priscilla et j’ai voulu comprendre ce que cela a représenté pour elle d’entrer dans le monde d’Elvis, puis, plus tard, de le quitter pour trouver sa propre identité. Ce film s’intéresse à la manière dont Priscilla devient elle-même et à ce qu’être une femme signifie, pour elle et pour les générations après elle. Son passage à l’âge adulte s’accomplit dans un environnement totalement hors norme et son histoire est unique, mais je crois qu’il est facile de s’y reconnaître."

Le film suit Priscilla Presley de ses 14 ans, où elle était une adolescente vivant sur une base militaire de l’Air Force en Allemagne, à ses 24 ans où elle quitte l’univers de Graceland. Si elle était la compagne d'une rock-star, on ne savait pourtant pas grand-chose d'elle. En retraçant son parcours, c'est un récit alternatif à celui d'Elvis Presley que livre Sofia Coppola.

La réalisatrice raconte : "Traditionnellement, Priscilla est un personnage mineur dans l’histoire d’Elvis, mais elle a assisté à tout, et son point de vue est aussi différent que fascinant. Ce qui m’intéressait, c’était d’explorer l’effet que cela faisait d’être une adolescente à Graceland, de grandir au sein de cette atmosphère extrêmement intense, dans un mariage compliqué et à quel point c’était incroyablement audacieux de choisir de quitter ce monde pour prendre en main sa vie."

Priscilla n'est pas un biopic rigoureux de la vie de Priscilla Presley. Sofia Coppola a cherché à recréer quelque chose de viscéral et d'intériorisé : "Ce que j’ai toujours le plus aimé dans les films, c’est le sentiment que l’on a quand on est totalement immergé dans l’univers de quelqu’un et que l’on voit des choses qui font écho à des éléments de notre propre univers, mais aussi des choses qui nous surprennent et qui nous dérangent. C’est ce genre de films que j’ai tendance à faire. Donc je voulais que le public se sente complètement immergé dans la peau de Priscilla."

Priscilla partage plusieurs points communs avec Marie-Antoinette, que Sofia Coppola a réalisé en 2006. Les deux films ne recherchent pas l'exactitude historique et mettent en scène une jeune fille naïve propulsée dans une vie opulente sous les feux des projecteurs. "J’ai été frappée de voir à quel point on pouvait s’identifier à elle, bien qu’elle évolue dans un environnement peu commun", souligne la réalisatrice.

Elle ajoute : "Priscilla était considérée dans l’univers des tabloïds comme « la femme-enfant d’Elvis », mais j’avais le sentiment qu’il y avait une histoire bien plus intéressante à raconter : le rêve d’une gamine qui devient une réalité qui n’est pas ce qu’elle imaginait ; le fait de devenir adulte en expérimentant à la fois une immense célébrité et une profonde solitude ; la façon dont certains vivent dans des bulles mais éprouvent parfois le besoin de les faire éclater ; et enfin le courage qu’il lui a fallu pour comprendre que, malgré la force de son amour pour Elvis, elle devait le quitter."

Pour écrire le scénario, Sofia Coppola s’est appuyée principalement sur les mémoires de Priscilla Presley, Elvis et Moi, écrits en 1985 : "J’y ai vu une sorte d’Alice au Pays des Merveilles. C’est le voyage d’une jeune fille dans un monde inimaginable qui l’éblouit, et la manière dont elle en sort, en voyant les choses avec énormément de clarté." La réalisatrice a eu de longues conversations très personnelles avec Priscilla, grâce auxquelles elle a pu approfondir son point de vue : "je voulais entendre vraiment de sa bouche ce qu’avait été son expérience, afin de la refléter avec honnêteté. À mes yeux, c’est un cas extrême qui montre bien ce que c’était d’être une femme à cette époque."

Avant Cailee Spaeny, plusieurs actrices se sont glissées dans la peau de Priscilla Presley (qui est d'ailleurs elle-même comédienne, apparaissant dans des séries comme Dallas ou Spin City et des films comme la saga Y a-t-il un flic pour sauver...) : Season Hubley dans le téléfilm Le Roman d'Elvis (1979) de John Carpenter, Antonia Bernath dans la mini-série Elvis (2005), Ashley Greene dans le long métrage Shangri-La Suite (2016) d'Eddie O'Keefe et enfin Olivia DeJonge dans le récent biopic de Baz Luhrmann, Elvis.

Vue dans Sale temps à l'hôtel El Royale, The Craft - Les nouvelles sorcières et Mare of Easttown, Cailee Spaeny interprète le rôle-titre de Priscilla. Sofia Coppola revient sur ce choix : "Cailee a un visage très expressif et une capacité extraordinaire à se transformer selon les différentes étapes de la vie qu’elle doit incarner. Elle était capable d’incarner une jeune fille de quinze ans le matin et dans la même journée de jouer une femme de vingt ans enceinte à Graceland. Cailee a une capacité à vous faire partager ses émotions qui est à la fois très belle et un peu mystérieuse".

Sofia Coppola voulait s’éloigner des innombrables Elvis que l’on a vus au cinéma : "L’image que l’on présente de lui est bâtie entièrement à partir de la manière dont elle parle de lui. C’est la facette privée d’Elvis, c’est lui quand il n’est pas sur scène, un Elvis qu’elle seule connaît. Donc le rôle concerne surtout la façon dont il se comportait chez lui seul avec elle, ses vulnérabilités, ses doutes, et les failles qu’elle décelait chez lui".

C'est l'australien Jacob Elordi, révélé par la trilogie The Kissing Booth et Euphoria, qui incarne Elvis Presley. "Jacob a naturellement beaucoup de charisme, mais il a vraiment essayé d’incarner le côté émotionnel d’Elvis. À partir des descriptions de Priscilla, il a imaginé Elvis comme quelqu’un qui cherche toujours quelque chose d’évanescent et qui est facilement frustré", raconte la réalisatrice.

En 1957, Elvis Presley a fait l’acquisition pour 100 000 $ de la maison de ses rêves, un manoir de huit chambres bâti dans un style néo-colonial en 1939. Graceland est devenu un monument illustre de l’Histoire américaine, visité chaque année par un demi-million de personnes. Sofia Coppola voulait montrer un Graceland inconnu des visiteurs, la demeure que Priscilla découvre, éblouie, en 1963.

La cheffe décoratrice Tamara Deverell confie que "Sofia voulait une approche très impressionniste. Il fallait reconstituer le décor authentique de Graceland mais en le rendant plus séduisant, comme s’il surgissait de souvenirs lointains et mélancoliques. La palette de couleurs est très douce, très sucrée, un monde de roses pastels, de bleus enfantins, d’ors brillants et de crèmes."

Elvis a fait complètement rénover Graceland au milieu des années 70, après le départ de Priscilla. Le manoir actuel est donc très différent de celui montré dans le film.

Sofia Coppola a travaillé de nouveau avec Phoenix, le groupe de pop-rock de son mari, Thomas Mars. Elle se souvient : "La première chose dont nous avons parlé c’est de la chanson Venus de Frankie Avalon qui passe quand Priscilla rencontre Elvis pour la première fois et c’est devenu le thème de Priscilla dans le film. Par conséquent, Phoenix a fait toute une série de versions différentes de Venus".

Le long-métrage mêle des morceaux contemporains de l'histoire et d'autres sortis à une époque différente, comme par exemple Baby I Love You des Ramones.

Dans les derniers moments du film, on entend I Will Always Love you de Dolly Parton. La cinéaste tenait à cette chanson "parce qu’il me semblait important que l’on entende une voix de femme à la fin du film".