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De son propre aveu, Sofia Coppola ne savait rien de l’histoire de Priscilla Presley. Simplement, comme toute sa filmographie en atteste, la cinéaste au style cool et vaporeux est attirée par les histoires d’enfermement, donc fatalement les histoires de femmes. La claustration est omniprésente dans l’œuvre de Sofia Coppola. Il s’agit pour la femme d’arracher sa liberté. On pensera à cette phrase iconique dans Virgin Suicides (1999) d’une des frangines Lisbon, après une tentative de suicide, à un vieux toubib : « Manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fillette de 13 ans « . Avec Priscilla, c’est comme une majoration de cette situation d’enfermement tant le sentiment à l’extérieur est celui d’un conte de fées, d’une fable qui arrange bien l’icône Elvis Presley dans la propre construction de son mythe.
Si la mise en scène tire moins sur la virtuosité unique de l’esthétisme propre à la réalisatrice, il demeure la photographie à lumière perçante, l’image feutrée, l’enchainement de plans où tout fait sens : du mouvement des personnages au minimalisme de certains décors. Pas de doutes, on est chez Sofia Coppola, et on y est tellement bien !!
Ce qui est clairement passionnant dans le long-métrage de Sofia Coppola est que sans agressivité ou acrimonie, elle s’en prend sans ambages à l’emprise d’Elvis sur Priscilla. Elle ne cherche pas à démythifier une icône, mais simplement à travers cette histoire, c’est malheureusement tant d’autres histoires. Elvis joue de son statut de star, d’homme qui va fatalement dominer cette jeune et innocente adolescente. Elle lui sera servie comme sur un plateau et forcément de son point de vue à elle, au départ, la fascination sera totale. Au-delà d’une forme de descente aux enfers, ce qui est bouleversant est quand elle regarde en face cette descente aux enfers et son propre renoncement au conte de fées. Très vite, cet enfermement dans la prison dorée se pressent.
Un Elvis qui se refuse charnellement à elle, une cour autour du King qui ignore Priscilla, des commentaires toxiques sur son passage. Le parallèle avec Marie-Antoinette (2006) est très souvent saisissant. Tout ce qui compte pour Elvis est que Priscilla soit là pour elle. Habillée comme il veut, présente quand il en a besoin, elle va vite devenir comme un ornement pour celui qui s’aime trop pour être authentiquement amoureux. Très vite Priscilla va devoir abandonner son identité, pour devenir la femme de. Très vite, dans leur relation, il n’est question que de lui. Il va la droguer, puis l’exhiber, ne supportera pas ses velléités émancipatrices, puis il la violentera psychologiquement et même physiquement… Terriblement ordinaire mais forcément extraordinaire quand il s’agit de Priscilla et d’Elvis.
Pour le rôle de Priscilla, Cailee Spaeny est déjà nominée aux Golden Globes, et c’est la moindre des évidences. Sa performance est telle que quand on pensera à Priscilla ou même à Elvis, c’est d’abord son visage, sa présence, son magnétisme qui vont imprimer notre mémoire. On pensera à la candeur juvénile de Keira Knightley dans Orgueils et Préjugés (2005). Mais surtout, elle est elle-même, elle est Priscilla, elle est inoubliable et on ne peut déjà plus s’en passer.
Au final, Priscilla est une grande fresque tout en gardant l’épure qui est celle que l’on adore de sa créatrice. Le film passe comme un souffle, tant on entre dans cette histoire finalement terriblement empathique. C’est tout Coppola, puissamment esthétique, proche de nous et quand même unique.