Iris et les hommes : les secrets du tournage

La réalisatrice décrit Iris et les hommes "comme un manifeste en faveur du désir, des rencontres ; un récit volontariste, sciemment optimiste, pour dépasser la peur, la paresse, la prudence, l’inertie qui nous maintiennent parfois sous cloche, dans un entre-soi où l’on s’asphyxie".

Caroline Vignal a eu l'idée d'Iris et les hommes suite à l'expérience d'une amie, qu'elle n'avait pas vue depuis des mois et qui se remettait alors difficilement de la séparation d'avec son mari. Lors de ces retrouvailles, son amie, âgée d'une cinquantaine d'années, avait radicalement changé : sur les conseils d'un proche, elle s'était inscrite sur un site de rencontres.

La réalisatrice se souvient : "Elle me raconta les likes qui avaient reboosté son égo abimé, les dick-picks arrivant en rafale pendant qu’elle travaillait, les dates lunaires, la jeunesse retrouvée, l’amant danseur de flamenco de 15 ans son cadet avec lequel elle fumait des joints dans l’après-midi... "It’s raining men !", s’esclaffa-t-elle, euphorique. Ce soir-là, mon film est né : il avait déjà sa chanson !"

Afin de comprendre au mieux les sites de rencontre, la réalisatrice s'est créé un profil sur Tinder et a compilé pendant des mois les fiches des hommes avec qui elle avait été en contact, ainsi que les messages et les photos reçus : "C’était drôle, passionnant, bouleversant parfois."

Caroline Vignal s'est demandée comment restituer l’expérience des sites de rencontre, "où l’essentiel se passe sur le petit écran de nos téléphones ? Comment faire partager aux spectateurs l’adrénaline des chats, qui, à plat, peuvent paraître banals, et même souvent consternants, mais qui tiennent en haleine lorsqu’on attend, fébrile, le prochain message ?" Elle a pris le parti de ne pas filmer, ou très peu, les écrans de téléphone.

Elle précise : "La série Euphoria m’a rassurée. Ses jeunes protagonistes textent, penchés sur leurs portables ; on partage l’excitation, l’attente, la joie, la déception qui traversent leurs visages, et au pied de l’écran, comme dans un film en VO, des sous-titres nous donnent accès aux messages échangés. Le procédé est simple, mais la force de l’écrit, du silence, du rythme auquel les messages apparaissent est entière, directe."

Deux films ont accompagné la réalisatrice pendant l’écriture du scénario d’Iris et les hommes : L’homme qui aimait les femmes de François Truffaut, "qui m’a aidée à trouver le rythme, le mouvement du récit ; il s’agissait d’éviter l’écueil du film à sketches" ; et Belle de Jour de Luis Buñuel. "Comme Séverine (Catherine Deneuve), Iris obéit à un désir qui la dépasse. Elle ne ressent jamais de culpabilité ; elle ne tire que des bénéfices de ses aventures."

Outre restituer l'expérience des sites de rencontre, Caroline Vignal devait relever un autre défi : filmer la sexualité dans une comédie "tout public". "Le choix de l’ellipse (on est là avant et/ou après, mais on quitte les lieux au moment du coït) n’est pas un choix par défaut ; il me permet je crois d’accéder à une certaine vérité, d’échapper à la convention de « scènes de lit » tellement vues et revues qu’elles ne racontent plus rien", explique-t-elle. Explorer le genre de la comédie permet à la réalisatrice "d’aller vers des sujets, des propos que j’espère un peu subversifs, sans effrayer, sans exclure."