Rudy Milstein voulait écrire un film sur l'apparence : comment quelqu'un peut mettre de côté ses principes pour séduire, se faire accepter d’un groupe, progresser socialement et faire plaisir à ses parents : "Le personnage de Louis, qu’interprète Vincent Dedienne, incarne un jeune avocat pris dans la tornade d’une affaire de pesticides présumés responsables de cancers. C’est un garçon gentil, naïf, plutôt mignon."
"Pourtant, tout au long du film, il commet des choses immorales. Et on l’accepte parce que, précisément, c’est un gentil. Est- ce que des bonnes intentions pardonnent tout ? Sous couvert d’intentions louables, peut-on se permettre de mal agir par moment ? Ou alors au contraire, les actions définissent-elles ce que l’on est ? Voilà, c’est un peu toutes ces questions qui m’ont animées pendant l’écriture du scénario."
Rudy Milstein ne voulait, dans son film, ni gentils ni méchants. Par exemple, le personnage d’Hélène (Géraldine Nakache), la porte-parole de l’association des victimes du cancer, semble a priori détestable alors qu’elle est altruiste. "Mais est-ce qu’elle pense vraiment aux malades quand elle les défend ? Est-ce que Louis n’a pas raison de lui dire qu’ils ont tout intérêt à prendre l’argent maintenant plutôt que de se battre des années pour une cause perdue d’avance ? Bref, je voulais que les problématiques de chacun soient plus complexes que « il est gentil elle est méchante » etc. D’où le titre (qui n’est pas une référence à Balavoine…) : je suis le héros du film, mais « je ne suis pas un héros » !", confie le metteur en scène.
Je ne suis pas un héros est une comédie dont le fil rouge est le cancer. Rudy Milstein a perdu sa grand-mère de cette maladie, après l'avoir accompagnée les dernières années de sa vie en vivant avec elle. Le cinéaste se rappelle : "Un pote aussi en est décédé, très jeune - un garçon très beau, solaire, qui adorait organiser des fêtes, il s’appelait Julien. Le cancer est naturellement venu se greffer au scénario."
"Il me permet d’incarner la métaphore pour traiter de ma problématique sur l’apparence : Louis est prêt à se faire passer pour un malade du cancer pour faire plaisir aux autres. Pour autant, il n’a jamais été question de pathos : je voulais garder un ton nerveux, joyeux et lumineux."
Côté influences, Rudy Milstein cite Judd Apatow, Agnès Jaoui, Julie Delpy, Michel Leclerc et Baya Kasmi. Il ajoute : "Victoria, de Justine Triet. J’aime beaucoup aussi les comédies anglaises comme Quatre Mariages et un enterrement. Les premières saisons des Simpson également ! To Be or not To Be d’Ernst Lubitsch, reste pour moi la comédie parfaite, on est constamment ballotté entre de pures situations comiques et de vrais moments de tensions dramatiques. On croit à tout, on comprend tout, c’est tragique, et on rigole."
Rudy Milstein a choisi Vincent Dedienne pour jouer le personnage de Louis. Les deux hommes se sont croisés au théâtre pendant des années sans se connaître. Le cinéaste confie : "Je l’ai vu jouer très souvent et, à chaque fois, je le trouve génial ; j’aime sa fantaisie, sa poésie, sa folie, son charme. C’est quelqu’un qui est très drôle dans la vie mais qui possède aussi une certaine mélancolie de l’enfance dans le regard, une naïveté… On est obligé de l’aimer."
"Il était parfait pour le rôle. Son corps tout entier incarne le personnage. Il m’a suivi partout, avec générosité, justesse et précision. On a construit ce personnage ensemble, j’ai adoré cette collaboration. C’est une vraie chance pour un premier film d’avoir pu créer ce rapport-là."
Rudy Milstein interprète un rôle important dans le film : celui de Bruno, le voisin de Louis. Victime d’un AVC, il est devenu incapable d’éprouver la moindre émotion. Le réalisateur explique : "Le rôle m’amusait. Qui plus est, il était tellement particulier que j’ai pensé que je gagnerai du temps à ne pas devoir expliquer qui il était. Bruno est tellement atypique : à une nuance près, il pouvait devenir antipathique, psychopathe ou juste bête. Je savais comment l’imbriquer dans le film. On a tourné toutes mes séquences à la fin du tournage, donc c’était étonnant de rejoindre les autres acteurs dans un rapport différent."
Le directeur de la photographie Thomas Rames a œuvré sur Les Cobayes d’Emmanuel Poulain-Arnaud, lequel est ami avec Rudy Milstein : "J’aimais l’image qu’il avait faite sur ce film. On s’était rencontré à cette occasion et nous nous étions bien entendus. On a beaucoup parlé de ce que serait l’ADN de Je ne suis pas un héros et on avait envie des mêmes choses."
"On a beaucoup travaillé en amont. Chaque séquence a son propre rythme, mais pour que le rythme global du film fonctionne, il fallait jouer aussi sur les variations de rythme entre chaque séquence. On est arrivé le premier jour, on savait déjà tout ce qu’on allait faire, même si on s’est laissé parfois surprendre pendant le tournage !", souvient le metteur en scène.
Rudy Milstein a poussé ses comédiens à improviser. Conséquence : le cinéaste s'est retrouvé, à la fin du tournage, avec beaucoup de rushes. Il se rappelle : "Et comme on n’avait pas beaucoup d’argent, on pouvait pas se permettre de faire ça en 18 mois ! Il a fallu trouver un équilibre entre le texte qui était écrit et ces petits moments de vie que je voulais introduire. Au début du montage, tout est magique : on met les instants bout à bout et le film existe !"
"Sauf, qu’un jour, on constate qu’il dure deux heures quarante ! Et qu’on ne voit pas du tout où couper ! Et que ça ne ressemble pas à ce qu’on avait imaginé ! Alors on travaille, on repense certains moments, on réécrit. Jusqu’à ce que, plusieurs longues semaines plus tard, le film apparaisse enfin et que la magie opère à nouveau."
C’est le frère de Rudy Milstein, Dov, qui a composé la musique de Je ne suis pas un héros. Il avait déjà conçu les bandes-originales des pièces écrites par le metteur en scène. "On a beaucoup parlé du scénario. Je lui avais demandé de travailler dessus avant le tournage pour avoir certaines musiques en tête pendant. Je lui ai envoyé les rushes pour qu’il continue de réfléchir. On a testé plein de chemins différents."
"Nous sommes d’abord partis sur un thème très électro puis sur des percussions pour finalement s’accorder sur du piano qui me paraissait plus proche de l’humeur du personnage de Louis et de la mélancolie du film, tout en gardant quelques passages d’électro pour mettre des touches de modernité."