Le voyage a toujours été un motif central pour Gianfranco Rosi, et ce depuis Boatman (1993). Le réalisateur explique : "Qu’il s’agisse d’un mouvement simple et régulier, ou d’une trajectoire particulière, le voyage constitue la structure narrative élémentaire de tous mes films. Que ce soit autour du périphérique de Rome dans Sacro GRA, ou dans les traversées meurtrières de la Méditerranée, d’Afrique du Nord vers Lampedusa dans Fuocoammare ou encore dans les déambulations du narcotrafiquant dans El Sicario, qui retrace et rejoue les meurtres qu’il a perpétrés."
Gianfranco Rosi a rencontré le pape François au Vatican après que ce dernier ait vu Fuocoammare et visité Lampedusa : "Nous avons brièvement abordé le problème de la migration forcée, qui était déjà une question primordiale pour lui. Mais j’ignorais qu’il voyageait autant avant d’être interviewé par le journal du Vatican, l’Osservatore Romano."
Pour François, le voyage est intellectuel et spirituel. L’idée de ce pape sans cesse en mouvement, parcourant le globe, fascinait Gianfranco Rosi. Le metteur en scène a demandé à voir quelques images de ses voyages, et s'est vite retrouvé à regarder des dizaines d’heures de rushes : "C’est à ce moment-là que j’ai pensé à en faire un film, même si j’ignorais alors quelle forme il pourrait prendre."
"La première difficulté, c’était le nombre d’heures d’images tournées : je me retrouvais dans une mer de plus de cinq cents heures de rushes. Était-il possible de transformer ces images brutes et neutres en un portrait intéressant qui montrerait cet homme, ses pensées, ses sentiments ? Nous ne cessions d’ajouter et couper de la matière, réarrangeant le tout constamment, cherchant à obtenir une séquence cohérente."
L’invasion de l’Ukraine a modifié l'approche de Gianfranco Rosi et du pape François et a imposé un ordre différent à l’enchaînement des images (la chronologie est devenue essentielle). Le cinéaste confie : "François a toujours été résolument contre la guerre. Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, ses avertissements et son analyse de la guerre se sont fait entendre avec plus de force."
"De la même façon, il a réitéré ses critiques contre l’indifférence, qui est un des obstacles majeurs à l’allègement des souffrances, et qui mène au contraire à des actes graves, et pire encore. C’est au cours de ces voyages que l’on voit apparaître l’homme qu’est François. Le contact humain est manifestement extrêmement important pour lui." Son pontificat semble être un pèlerinage inversé."
"Ce ne sont pas ses fidèles qui, venant d’endroits éloignés font le chemin vers le pape, mais bien le pape lui-même qui va à la rencontre de ses fidèles, chez eux, pour connaître leurs souffrances."
Avant de terminer le film, Gianfranco Rosi a eu la chance d’accompagner le pape au cours de deux voyages, à Malte et au Canada. Le fait de voyager avec François, d’être là physiquement, a instantanément influencé sa façon de penser, en tant que caméraman et réalisateur :
"Ces voyages étaient très différents de ceux dont je n’avais vu que des rushes. J’ai pris conscience, avec force, de la nécessité d’aborder In Viaggio comme un film en évolution constante, tout comme le sont les voyages du pape. C’est ce que j’ai essayé de garder à l’esprit lorsque j’ai intégré les images."
"Il est vain de chercher à clôturer ce film : cela irait à l’encontre de sa nature évolutive, alors qu’il est résolument tourné vers l’avenir, qu’il cherche à perpétuer les occasions de nouvelles rencontres, et à continuer de toujours apprendre et comprendre. Cette ouverture est l’essence même de In Viaggio."