Mourir à Ibiza s’est construit progressivement au cours de trois étés successifs, de 2019 à 2021. Anton Balekdjian, Mattéo Eustachon et Léo Couture étaient ensemble à la CinéFabrique, dans les départements Scénario, Son et Image. Tous les trois ressentait la nécessité d’éprouver leurs envies de cinéma sans attendre. Ils se rappellent :
"Le premier été à Arles, l’envie centrale c'était d'aller travailler en improvisation, le plus légèrement et collectivement possible avec des proches que nous avions envie de filmer, tout en explorant un territoire. Nous voulions reprendre le motif de Conte d'été, mais en le détournant avec nos préoccupations et ce qui nous faisait rire."
"L’idée, c'était qu’une jeune femme venue profiter de ses quelques jours de vacances ne se retrouve confrontée qu’à des garçons complètement incapables de communiquer leurs désirs. C’est une quête de tendresse collective dans laquelle personne n’ose vraiment s’exprimer. Donc ça produit des quiproquos, des malentendus, des surprises."
"C’est un grand terrain de jeux comique et romanesque et ça correspondait aussi à nos rapports aux autres et à nos angoisses à la sortie de l’adolescence. La peur de ne jamais pouvoir se rencontrer vraiment, d’une solitude indépassable."
Un film en trois étés est le second titre du long-métrage divisé en trois volets. Après la première partie, Anton Balekdjian, Mattéo Eustachon et Léo Couture avaient très envie de retrouver les personnages l’été suivant. Les cinéastes se sont donc demandé comment prolonger leurs aventures, comme dans une grande saga. Ils précisent :
"Nous avions envie d’explorer leurs faces cachées, tout en continuant à décliner les motifs de l’amitié, de la solitude et du désir. À Étretat, on a décidé de fissurer l’armure d’Ali en racontant une rupture amicale À Ibiza, on est parti de la figure tragique de l’amour impossible pour explorer les fantasmes romantiques des un.e.s et des autres."
"À chaque fois, le scénario se construisait en trois étapes : à partir d’un séquencier non dialogué développé pendant les repérages puis avec les acteur.ices au tournage."
Les réalisateurs ont choisi Arles, Étretat et Ibiza, trois lieux emblématiques dans lesquels ils ont directement eu l’intuition qu’ils pourraient raconter leurs histoires. Il expliquent : "À Arles, on sentait qu’on pouvait tourner un film chaud et vivant."
"Le côté carte postale nous plaisait aussi, l’architecture antique, la Camargue… Nous voulions gratter le vernis pour découvrir la vie de nos personnages. À Étretat au contraire : les falaises, la grisaille, le vent qui siffle, un certain mysticisme même."
"C’était comme un miroir obscur de la première partie. Et le dernier chapitre devait être le bouquet final, donc difficile de faire mieux qu’Ibiza. Une île où se côtoient des mondes opposés : la richesse dégoulinante, le tourisme de masse, la fête, les locaux, les hippies..."
Anton Balekdjian, Mattéo Eustachon et Léo Couture ont proposé les rôles du film aux gens autour d'eux qu'ils avaient envie de faire jouer ensemble et qu'ils sentaient excité.e.s par l’aventure collective. Il se rappellent :
"Lucile sortait de l’école de théâtre, Mathis entrait à la Comédie de Saint-Étienne, César étudiait le montage à l’école avec nous et Alex était le bassiste du groupe de Léo et avait déjà fait des apparitions dans nos courts-métrages."
"Jag, une amie de Lucile, est arrivée alors qu’on cherchait un nouveau personnage à Étretat. Enfin, à Ibiza, il y a eu Elsa une camarade qu’on rêvait de faire jouer depuis longtemps."
"C’était très important pour nous que se mélangent comédien.ne.s et amateur.ices pour trouver la bonne fragilité dans leurs rapports, qu’iels se surprennent constamment."
"Tous les personnages secondaires sont des rencontres qui ont accepté de jouer. Les rôles se sont souvent créés au dernier moment. Par exemple, on a rencontré Tony, le réparateur de bateau d’Ibiza, en passant devant son atelier une semaine avant de tourner."
Les choix à l’image ont été dictés par la légèreté, la discrétion et le budget très limité. Anton Balekdjian, Mattéo Eustachon et Léo Couture ont tourné avec trois caméras différentes : "Nous aimions bien qu’à la fin du film, les premières images évoquent un souvenir lointain."
"Chaque été a son film de référence pour l’énergie des mouvements de caméra. À Arles, c'est Les Choses de la vie, d’où une partie sur pied avec des panoramiques et des zooms dans les mouvements. Pour Étretat, nous pensions aux premiers films de Jim Jarmusch."
"À Ibiza, nous avions imaginé quelque chose de très dynamique, à la manière des Roseaux sauvages de Téchiné qui nous a beaucoup marqué. Nous avons aussi beaucoup pensé à Ce cher mois d'août de Miguel Gomes, pour le jeu entre les registres de fiction, le documentaire qui côtoie le mélodrame."