SUBWAY - Le temps de l’innocence de Luc Besson.
😉 Je ne sais pas pour vous, mais moi, chaque fois que je me retrouve sur les quais de la station Nation, j’imagine toujours la sublime Adjani/Héléna descendre majestueusement les marches des escaliers principaux dans sa tenue de soirée Yves Saint-Laurent, avec sa coupe iroquois, sa moue boudeuse et sa démarche féline 💞…
Rappelons-le, ‘’Subway ‘’est une comédie policière et surréaliste où Fred, un voyou au grand cœur (Christophe Lambert, César 1986 du meilleur acteur) et Héléna, une richissime bourgeoise mélancolique et solitaire (tendance Emma Bovary des années 80), jouent au chat et à la souris dans les entrailles du métro parisien. Ce satané métro, improbable refuge d’une faune de personnages marginaux ou atypiques qui se croiseront autour d’une énigme de documents volés et particulièrement compromettants.
Au milieu des années 80, épaulé par la Gaumont et auréolé par le succès d’estime de son premier long-métrage, muet en noir et blanc (‘’Le dernier combat’’), Luc Besson, 24 ans à peine, fait partie avec Jean-Jacques Beineix et Léos Carax, de la jeune garde prometteuse du cinéma français. Le futur réalisateur du ‘’Grand Bleu’’ couve le projet de ‘’Subway’’ depuis quelques années déjà, avant même ‘’Le dernier combat’’. Et avec un casting de rêve en prévision : Sting et Charlotte Rampling ! Hélas, les impondérables des calendriers et engagements de la rockstar britannique, assortis aux hésitations puis revirements de dernière minute de Rampling ont eu raison de ce rêve de cinéphile. Désemparé, le jeune loup ne se laisse pas abattre pour autant. Fort de la belle complicité qu’il partagea avec Isabelle Adjani sur le tournage du clip ‘’Pull Marine’’, il ose et propose à la star de l’’’Eté meurtrier’’, en hibernation cinéma depuis le triomphe historique du film de Jean Becker, de reprendre le rôle d’Héléna, bien qu’il ne fut pas initialement écrit pour elle… Cette dernière lira le scénario en une nuit et lui donnera son accord sur messagerie-répondeur au petit matin ! ‘’Paroles et Musiques’’ et surtout ‘’Greystoke’’ ayant mis sur orbite Christophe Lambert, la Gaumont donne son feu vert pour un tournage long, cher et complexe. Même le légendaire chef-décorateur Alexandre Trauner (‘’Les enfants du Paradis’’) sera de l’aventure.
Au printemps 1985, le succès tant attendu est au rendez-vous. 3 millions d’entrée-France (dont 800 000 sur Paris-périphérie), une douzaine de nominations aux César 1986 et un blanc-seing assuré pour Besson, enfant chéri et désormais surprotégé de la Gaumont. Pour autant, les critiques ne sont guère timides. On reprochera à Besson un scénario trop mince, sans colonne vertébrale, un montage trop étiré, voire un manque de rythme. Sans parler du coté jugé par certains, trop ‘’branché’’ années 80…
Heureusement, le cinéma étant l’un des arts les plus jeunes, on peut raisonnablement estimer que trente-cinq ans, c’est un laps de temps suffisant pour analyser sereinement le premier triomphe public de Luc Besson. En remarquant que sa veine, justement surréaliste et improbable lui a permis de bien réussir l’épreuve du temps ; mieux : de rester intemporel. On se délectera aussi de ses trouvailles visuelles et de cette mise en scène atypique, mi BD-mi vidéoclip… Avoir aussi fait du métro - l’un des univers les plus anodins voire agressifs du monde - un véritable labyrinthe onirique et ludique est déjà un sacré défi ! Sans compter les étincelles de bonheur provoquées par le casting : les ‘’battles’’ incessantes entre Michel Galabru (génial commissaire chevronné) et le bleu Jean-Pierre Bacri, hilarant à ses débuts. Les apparitions de Jean-Hugues Anglade, Jean Réno ou Richard Bohringer venus pimenter l’intrigue et enfin, les scènes de courses-poursuites dans les couloirs du métro parisien comme on ne l’avait jamais filmé jusqu’alors. Quant au couple star Adjani/Lambert, en duo ou en solo, il nous offre tout au long du film, quelques séquences mémorables, parfois émouvantes, souvent drôles (avec bien sûr, une mention spéciale pour la scène culte du diner d’Adjani chez le préfet !). Ajoutons à cela la b.o.f. inspirée d’Eric Serra (Ah!, le superbe ‘’It’s only mystery’’ !) et le tour est joué pour un grand 8 qui reste inimitable et inimité. Certains considèrent ‘’Subway’’ comme le meilleur Besson. Le cinéaste Olivier Nakache, coréalisateur d’’’Intouchables’’ et ‘’Hors normes’’ le cite parmi ses films de chevet. D’autres rêvent d’une version remontée, avec bonus de scènes inédites, pour une nouvelle sortie en salles…
Et depuis ? Le triomphe d’’’Highlander’’ pour Christophe Lambert qui hélas, n’embrassa pas la carrière qu’on lui prédisait à l’époque. Adjani quant à elle, nous habitua à de longues parenthèses hors-tournages, brisées par quelques grands rôles (‘’Camille Claudel’’, ‘’La Reine Margot’’, ‘’La journée de la jupe’’…), d’autres moins notoires et surtout beaucoup de refus (‘’Liaison fatale’’, ‘’Basic Instinct’’, ‘’Gladiator’’ parmi tant d’autres). Son aura n’en sera cependant jamais altérée.
Concernant Luc Besson, on connait la suite… Des triomphes à la pelle, une reconnaissance à l’international, un appétit d’ogre touche-à-tout (production, écriture, distribution…), aujourd’hui jusqu’à l’overdose, se parodiant (involontairement ?) dans sa dernière réalisation...
Alors on rêve… D’un retour au temps de l’innocence. Du temps où le réalisateur de ‘’Nikita’’ savait nous surprendre, nous enchanter et nous fasciner. En jouant avec notre imaginaire sans l’étouffer. Lorsqu’il se savait capable de rendre magique un univers anodin, de fasciner avec une intrigue simple et de privilégier un travail d’artisan plutôt que de producteur, trop calculateur pour rester totalement sincère.
Il fut un temps où Besson croyait plus aux contes de fées qu’aux comptes de faits. Dans ‘’Subway’’, il lui suffisait de quelques étincelles de travaux de soudure pour donner l’illusion d'un feu d’artifice. Même Christophe Lambert y évoquait malicieusement Cendrillon. Et comme les contes de fées finissent toujours très bien 😉…
LG