Le titre s’est imposé dès le début de l’écriture. Le réalisateur Nathan Ambrosioni explique : "Toni, c’est d’abord le personnage principal dont je voulais raconter l’histoire. J’ai une grande affection pour le cinéma portraitiste, celui qui dépeint un monde à notre hauteur, qui n’évoque pas l’extraordinaire. Noah Baumbach, Richard Linklater, Hirokazu Kore-eda sont des références essentielles pour moi."
"Toni, c’est aussi un hommage au métier d’acteur, spécifiquement à la comédienne Toni Collette, dont j’admire le travail et en particulier l’ambiguïté qu’elle insuffle à ses rôles. Enfin, Toni n’est pas un prénom mais un surnom, qui plus est un surnom ambivalent, on ignore s’il désigne une femme ou un homme. Je tends, à l’instar de ma génération, vers un cinéma qui ne genre pas son regard."
Nathan Ambrosioni voulait interroger ce moment très spécial d'une vie où l’on remet tout en cause : en l’occurrence, le statut de mère célibataire quasi au foyer (Toni y passe la majorité de son temps) constitue une condition sociale ultime. Le réalisateur précise : "On imagine que Toni doit une dévotion absolue à ses enfants, qu’elle construit tout en fonction d’eux."
"Toni, en famille c’est aller contre cette image-là, imaginer les choses autrement. Toni m’intéresse car son statut social fait d’elle une réelle héroïne et une héroïne du réel. Elle se rend compte de façon très simple qu’être mère c’est fabuleux, mais c’est aussi une condition frappée par une obsolescence programmée, celle du jour où son dernier enfant quittera la maison."
"Toni ne se contente pas de ça et son âge, 43 ans, confère à sa situation une forme d’urgence. À sa manière, Toni est comme les ados qui à la fin du lycée doivent se choisir une voie professionnelle. Elle est traversée par les mêmes interrogations, mais elle se rend compte qu’en raison de son âge la société ne l’encourage pas dans la voie qu’elle envisage."
Adolescent, Nathan Ambrosioni était fan de la série Connasse : "Sa nonchalance était fascinante. Puis il y a eu Dix pour cent, Stillwater, House of Gucci… Tous ses rôles m’ont accompagné. Elle était dans ma cinéphilie. J’espérais que Toni, ce soit elle. J’avais son phrasé en tête quand j’écrivais."
"Elle a quelque chose de très particulier dans le ton de sa voix, sa scansion, sa façon de s’exprimer, une langueur mêlée d’autorité et de tendresse dont j’avais besoin. Je voulais exprimer quelque chose d’extrêmement doux à travers ce rôle. Camille représente tout ça", confie le cinéaste.
Quand Nathan Ambrosioni écrivait le scénario du film, il a vu un reportage qui partait, 20 ans après leur heure de gloire, à la rencontre d’ex-stars de télécrochet des années 2000. La plupart sont tombées dans l’oubli. Il se souvient : "Faire de Toni l’une d’elles m’intéressait. Ce statut d’ancienne célébrité ajoute de la complexité à mon héroïne. Elle devient une femme qui dans sa jeunesse s’est vue imposer une image factice qu’elle va devoir déconstruire."
"Au même titre que le statut de « mère absolue », le statut de célébrité peut paraître fascinant mais pour Toni cela n’a jamais été un graal. Pourtant même ses enfants, Marcus à travers les réseaux sociaux ou encore Mathilde via la danse, ont soif de cette reconnaissance, c’est propre à leur âge et à leur génération. Le film pose ainsi naturellement la question de la transmission. Que transmet-on à ses enfants ?Comment faire pour parler le même langage ?"
Nathan Ambrosioni a choisi de montrer une fratrie de cinq enfants aux physiques très hétérogènes. À travers ces derniers, il a voulu traduire toute la diversité de caractère de ses amis. Il développe : "Ils sont vraiment à l’image des lycéens et collégiens que j’ai côtoyés. Ils ont des envies complexes, des espoirs variés. Pour Toni, cela constitue une source supplémentaire de difficultés car elle doit faire face à tous ces tempéraments forts, ce qui n’est pas évident quand, comme elle, il s’agit encore une fois de « se trouver »."
"Les jeunes comédiens se sont révélés très impressionnants. Ils se sont appropriés la personnalité de leur personnage respectif avec une aisance déconcertante. L’adolescence est un terrain de cinéma fabuleux, le lieu des rêves et des envies. Je voulais le dépeindre de façon très précise, c’est pour cela qu’il n’y a aucune improvisation entre les jeunes dans le film, à part trois petites scènes. Je tenais au respect des dialogues, à cette idée que cette fratrie ait un langage commun, spécifique, qu’ils s’échangent fringues et expressions."
D'un point de vue formel, Nathan Ambrosioni a voulu faire un film solaire, aux couleurs douces. Le metteur en scène confie : "La caméra est très rarement portée à l’épaule, si elle se déplace c’est presque tout le temps grâce à des travellings ou des panoramiques. C’était le rôle des personnages d’insuffler le mouvement, et non à la caméra de leur imposer une énergie."
"Il y a beaucoup de plans larges car il s’agit d’une famille de six personnes : je voulais qu’ils apparaissent ensemble dans le cadre, qu’ils l’envahissent, qu’ils en débordent même. À ce titre, le travail de Justine Kurland m’inspire beaucoup. Justement ses cadres sont larges, un peu trop grands pour les sujets qu’elle photographie mais sans pour autant que l’on perde en empathie."
"Les photographies de Jessica Todd Harper mettant en scène des familles nombreuses sur leur lieu de vie, entre salon, cuisine et chambre constituent une autre source d’inspiration pour le travail de découpage technique du film : nimbées d’une lumière délicate, elles donnent corps au pluriel, au nombre."
Nathan Ambrosioni a fimé l’intérieur de la maison de Toni comme une chorégraphie, y compris lors des repas où la gestuelle humaine est très présente : "Il y avait une volonté de filmer dans une maison de plain-pied, sans escalier, tout sur le même niveau. Toni doit courir tout le temps dans le film. La circulation pourrait être facile dans cette maison, cet endroit clos, ce cocon chaleureux, mais… Plein, surchargé. Les enfants ne sont jamais loin, pour Toni c’est à la fois merveilleux mais par moments totalement étouffant. Elle doit aussi aller au bout de cette maison familiale, et peut-être s’en défaire."
L’histoire de Toni, en famille se déroule dans le sud de la France. Toutefois, Nathan Ambrosioni a choisi de privilégier les séquences se déroulant à l'intérieur de la maison, ainsi que celles dans l’habitacle de la voiture familiale. Le cinéaste note : "La première scène du film est une séquence d’habitacle de voiture. Elle a vraiment dicté toute la tonalité générale de l’écriture, elle cristallise le ton du film, entre rires et larmes. Comment contenir une famille aussi nombreuse dans un espace aussi réduit ?"
"Ce défi de représenter six personnes qui se déplacent en voiture est venu immédiatement à mon esprit, avant même que ne commence l’écriture du scénario. Ça résume l’idée que je me fais d’une comédie dramatique, cette représentation comique voilée du sérieux de la vie, et tout ça à l’intérieur d’une voiture où l’on ne peut se mouvoir librement. Toni a sa place imposée, c’est l’adulte, elle doit conduire, mais elle doit aussi se concentrer sur les reproches et revendications de ses enfants !"
"La voiture, c’est le lieu de tout, de la difficulté à réfléchir posément, à obtenir un temps de calme ou de silence, mais c’est aussi un lieu de joie et de rires. Les filmer ensemble dans un endroit aussi étroit permettait de montrer toutes ces individualités d’un seul mouvement : Toni, en famille !"