Christophe est lié à l'adolescence de la réalisatrice Ange Leccia. Le slow Aline et Les Marionnettes ont ainsi ponctué bon nombre de ses étés. Elle l'a ensuite perdu dans les années 1970 et retrouvé grâce à Dominique Gonzalez-Foerster, co-réalisateur de Christophe... Définitivement. Elle se rappelle :
"Nous faisions un film qui s’intitule Ile de beauté en 95-96 et Dominique m’a conseillé d’écouter Le Tourne-cœur. Et là, j’ai eu un choc. On l’a d’ailleurs utilisé à la fin de notre film. A cette occasion, j’ai vraiment redécouvert Christophe. On avait envie de le rencontrer mais on ne savait pas comment s’y prendre."
"Une de mes amies a fait la jonction. À l’époque, je dirigeais une résidence d’artistes au Palais de Tokyo et cette amie y avait organisé une rencontre avec Christophe, on était en décembre 2001. Je lui avais montré des images et il ne disait pas un mot, il était très observateur."
"On savait qu’il préparait son retour à l’Olympia mais il ne nous a jamais dit lors de cette première rencontre « je veux travailler avec vous »."
Dominique Gonzalez-Foerster poursuit : "Tu lui avais aussi fait visiter le Palais de Tokyo, il y a une photo où on est tous les trois ensemble assis sur un tapis violet, il s’était quand même passé un truc. De mon côté, j’ai découvert Christophe à la radio dans les années 80 en entendant Les Mots bleus."
"J’étais totalement scotchée par cette chanson. J’ai commencé à l’écouter assidument et dès que son album suivant est sorti, Bevilacqua, en 95, je me suis jetée dessus car je voulais ardemment avoir de ses nouvelles. Et c’est Le Tourne-coeur qui m’a particulièrement marquée."
"Il y a aussi une belle chanson avec Alan Vega... Avec cet album, on sentait qu’il était reparti pour un tour. C’était très fort. Avec Alain Bashung, ils étaient les deux voix que j’adorais. Du coup, quand on a rencontré Christophe, c’était un moment hyper fort. Et puis le 2 janvier 2002 j’entends sa voix dans mon téléphone !"
"Il m’appelle, me parle de notre rencontre, puis de l’Olympia, et me fait comprendre qu’il souhaiterait que Ange et moi fassions des images pour sa scénographie."
Christophe ne connaissait pas le travail de Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia. Il avait vu quelques bouts de vidéos et quelques images réalisées par le duo, mais pas plus. Les cinéastes expliquent : "Mais il surfait beaucoup sur le net, donc je pense qu’il faisait ses recherches de son côté."
"Il avait aussi un réseau d’amis qui nous connaissaient, qui savaient qui on était, ça a dû le conforter. Mais Christophe n’était pas influençable, il avait son point de vue. DGF – Son producteur l’a encouragé dans ce sens, il ne lui a pas dit « non, t’es fou, des artistes, ça va pas le faire... »."
"On a fixé un rendez-vous et on s’est retrouvés chez lui. Chez lui et puis aux premières répétitions en dehors de Paris. On a écouté ce qu’il avait à nous raconter, on lui a proposé des images. Son rapport au cinéma était très fort, alors il nous a montré des extraits de films, des photos."
"Sa chambre était un home cinéma avant l’heure, avec des bobines de film, son projecteur, son écran. Christophe était un artiste expérimental avec énormément d’idées, des éruptions de la pensée : amener une voiture sur scène, disposer untel comme ci ou comme ça, ça n’arrêtait pas."
Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia voulaient rester focalisés sur Christophe et éviter le côté "spécialiste qui allait expliquer Christophe" : "C’est Dominique qui a « scénarisé » le film avec ce début où on est dans les répétitions, dans la mise en place. C’est d’ailleurs là qu’on voit l’exigence de Christophe, à quel point il était précis. A mon avis, cette méticulosité sera une découverte pour le grand public", confie Ange Leccia. Dominique Gonzalez-Foerster poursuit : "Nous avons respecté son vœu d’intimité artistique.
"Il ne voulait pas faire avec nous un documentaire classique, style « sa vie-son œuvre ». Le film démarre sur une présence spectrale, il est de dos, c’est un fantôme de lumière mais un fantôme quand même. Cette présence fantomatique, on va la retrouver à plusieurs reprises au cours du film. Ce spectre lumineux prend chair, puis redevient fantôme lumineux... Pour moi, c’est ce qui situe le film dans le temps : Christophe est présent au moment où on a filmé, mais dans notre présent à nous, aujourd’hui, il est un fantôme."
Depuis 25 ans, Dominique Gonzalez-Foerster explore les relations entre réalité et fiction sous forme d’environnements, de performances, de photographies et de films. Croisant sources d’inspiration cinématographiques, littéraires et musicales, chacune de ses œuvres est l’occasion d’une déambulation à travers des espaces et des temporalités où l’intime et le social se mêlent ; passé et présent se superposent, tandis que le « moi » se révèle multiple et fuyant.
Dominique Gonzalez-Foerster est lauréate du Prix Marcel Duchamp en 2002. Ses œuvres ont été présentées dans les plus grands musées du monde comme le Centre Georges Pompidou à Paris, le Museum of Modern Art de Rio de Janeiro, le Nacional Centro De Arte Reina Sofia à Madrid, la Tate Modern de Londres, la Dia Art Foundation à New York et le Musée d’Art Moderne de Paris.
Ses films Riyo (1999) et Central (2001) ont été présentés à la Quinzaine des réalisateurs et ses films Plages (2001) et Belle comme le jour (2012), coréalisé avec Tristan Bera, au Festival International de Rotterdam.
Depuis les années 1970, Ange Leccia développe une œuvre en faisant appel au cinéma expérimental, à la vidéo et à l’installation. Depuis ses premiers usages du super 8 dans les années 1970, les affects sont au cœur de sa démarche esthétique qui questionne la psyché comme réservoir de souvenirs, de rêves et de fantasmes.
Son insertion dans le champ cinématographique s’est faite à travers ses collaborations avec Dominique Gonzalez-Foerster (Ile de Beauté en 1996, Gold en 2000 et Malus en 2004 présenté au Festival de Sundance) mais aussi en solitaire comme dans Nuit bleue son premier long- métrage distribué par Le Pacte sorti en salles en 2011 (Festival International de Rotterdam) qui suit La Déraison du Louvre avec Laetitia Casta en 2006.
On a pu voir son travail, entre autres, au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, au Centre Georges Pompidou, au Musée Guggenheim de New-York, à la Documenta de Kassel, au Skulptur Projekte de Münster et à la Biennale de Venise.