Geneviève Albert a décidé de faire de la prostitution le sujet de son premier long-métrage de fiction : "C’est une réalité qui me bouleverse et dont je m’explique mal la présence dans notre société. Comment se fait-il que cette transaction qui cause tant de torts aux personnes prostituées soit globalement tolérée, ici comme ailleurs ? Ma révolte face à la prostitution est proportionnelle à la violence vécue par les femmes et les hommes qui se livrent à cette activité : la violence des relations sexuelles non désirées, la violence du nombre de clients, la violence de la négation de soi, la violence d’être achetée, la violence de notre silence collectif."
Avec ce film, elle tenait à ne pas détourner le regard face à l'horreur. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles elle a choisi de pointer sa caméra vers les clients de Noémie, alors que ces hommes bénéficient d'ordinaire d'une invisibilité dans la société.
Réaliser Noémie dit oui était nécessaire pour la cinéaste : "C’est la seule réponse que j’ai trouvée pour contrer mon sentiment d’impuissance à l’égard de la prostitution."
La réalisatrice s'est inspirée de films comme Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman ou de Deux jours, une nuit des frères Dardenne, qui reposent sur un dispositif de la répétition, "afin de délaisser le champ de la compréhension et pénétrer celui du ressenti". Elle voulait plonger le spectateur dans une expérience physique et lui faire partager le supplice que vit Noémie en tant qu'escorte.
Le titre du film met l'accent sur le consentement, sur lequel la réalisatrice s'interroge : "Où tracer la ligne entre céder et consentir? Suffit-il de dire oui pour consentir? Et à partir de quel âge le choix de la prostitution devient-il valable? Que vaut, par exemple, le consentement d’une escorte de 20 ans qui a débuté à l’âge de 15 ans? Tous ces questionnements m’ont guidée pour écrire mon scénario qui ausculte les contours flous de la notion de consentement."
Pour écrire Noémie dit oui, la réalisatrice a multiplié les recherches et les rencontres : "J’ai eu besoin de la validation du réel pour donner vie à des personnages authentiques et à des situations plausibles. C’est ma façon d’honorer le vécu des filles, des femmes et des hommes qui sont pris.es dans la prostitution, ou qui le furent". Elle ne prétend pas avec ce film refléter toutes les facettes de la prostitution : "Et on me rétorquera probablement qu’il existe aussi une prostitution volontaire, saine et épanouissante. J’en doute. Mais si c’est le cas, je me garde bien d’en faire l’arbre qui cache la forêt. L’histoire de Noémie en est une parmi d’autres."