Plus que sur les sentiments intérieurs, Tout ce que le ciel permet insiste sur le point de vue que la société porte à l'amour des deux héros. Pour Cary, toute la question est de savoir si elle doit ou non quitter le cocon protecteur de sa vie monotone mais bien réglée pour affronter la violence soudaine - la violence est soudaine, par définition - des habitants de sa bourgade, ainsi que celle de ses enfants. Par la même occasion, Sirk nous parle de la difficulté de faire des choix, avec ce personnage finalement sartrien qu'est Ron Kirby, le jardinier jouer par Rock Hudson : nous ne sommes que la somme de nos actes, il faut alors assumer nos décisions et les prendres seuls, "en homme". Tout ce que le ciel permet livre aussi un magnifique portrait de femme, une femme arrivée à l'âge de changer de vie, tiraillée entre son amant et ses enfants pas encore complètement adultes ni indépendants. Très ancrée dans ses valeurs par simple habitude, respectueuse d'une certaine morale et de la mémoire de son mari, elle est à la fois effrayée de quitter ce carcan et angoissée de rater l'amour de sa vie, et de finir par la même occasion vieille fille cloîtrée dans sa maison, s'ennuyant devant son poste de télévision. Sirk dénoue le dilemme par un évenement extérieur, un aléas du quotidien, ce qu'il faisait déjà dès La fille du marais, son deuxième long-métrage de 1935 et dans lequel un meurtre commis par un inconnu venait élucider le triangle amoureux. On ne peut oublier de mentionner que, pour mettre en scène ces turpitudes amoureuses, Sirk réalise un travail d'esthète impressionant, que ce soit par le choix des cadres et des décors, des déplacements des personnages, et, évidemment, le travail sur les couleurs. Rock Hudson nous est très sympathique, mais Jane Wyman sidérante le surpasse et lui vole presque la vedette - ce qui n'empêche le duo d'offrir une symbiose parfaite. Le tout porté par un thème musical parfaitement mélancolique (...) Chef d'oeuvre.