Comme dans le premier long métrage de Marie Garel-Weiss, La Fête est finie, et son film pour Arte, Qu’est-ce qu’on va faire de Jacques ?, les personnages de Sur la branche naviguent en marge de la société, entre enfermement et liberté. La réalisatrice précise :
"Cela rejoint sans doute mon sentiment que tout le monde finalement avance en dehors des clous, tout le monde se sent « à part ». Mais en ce qui concerne les pathologies, les troubles, que ce soit chez les schizophrènes, les bipolaires, les dyslexiques ou tout autre profil que la société accueille difficilement ou pas du tout, je suis fascinée par leurs capacités compensatoires hors du commun, que je considère comme des dons. Imaginer que l’on puisse « faire famille », se trouver un compagnon de route me donne de l’espoir. Le groupe commence par deux personnes, d’où le duo : à deux, c’est mieux !"
À la différence de La Fête est finie, qui témoignait de sa propre expérience, Marie Garel-Weiss avait envie avec Sur la branche d’aller vers la fiction : "Avec mes scénaristes, nous avons voulu créer des personnages au sens plein du terme, et Mimi en est un. Le temps d’un film, elle va au bout de ses obsessions et est acceptée pour ce qu’elle est, alors que dans la vie, elle serait sans doute vouée à être enfermée ou, du moins, contrôlée."
"C’était une gageure de faire exister Mimi sans qu’elle soit attendrissante, ou « mignonne » ; de la rendre à part tout en étant incarnée ; de la faire interagir avec les autres, qui, eux, sont plus soumis au réel. Mimi n’a pas vraiment d’ancrage, elle a compris qu’elle n’y arriverait pas de la même façon que les autres. Elle a soif d’absolu, de justice, ce qui n'est pas forcément vertueux, mais révèle une grande angoisse de la vie", développe la cinéaste.
Sur la branche se situe au carrefour de plusieurs genres : le film d’enquête, la comédie romantique et la comédie de l’âge d’or hollywoodien. Marie Garel-Weiss explique : "J’admire les films de Billy Wilder, et j’ai revu en écrivant La Garçonnière, dans lequel Shirley MacLaine possède ce côté mi-fille mi-garçon qui nous a inspirés. J’aime ces films qui fabriquent de la comédie avec la petite cruauté de la vie et des autres, qui magnifient des personnages aux destins pâles, tout ça dans un écrin hyper simple mais finalement théâtral, car irréel."
Pour le cabinet d’avocats, Marie Garel-Weiss avait en tête un bocal en plein ciel, provoquant le sentiment de pouvoir voler mais aussi d'être prisonnier par la vitre. L’idée était de s’éloigner de la représentation classique du cabinet d’avocat. La réalisatrice note :
"Les décors du début du film racontent l’enfermement des personnages tout en donnant à voir la vie en dehors, celle dans laquelle ils voudraient s’ébattre, comme dans un dessin de Sempé ! Puis, le film s’ouvre sur l’extérieur, vers de plus grands espaces, qu’on associe au sentiment de liberté, alors que nos personnages s’enferment eux-mêmes. C’est le paradoxe entre ce qu’on voit et ce qu’on ressent. Mon envie de cinéma était aussi d’oser, de flirter avec l’outrance, comme dans la séquence du repas avec la famille Dupré, où les mouettes se sont invitées."
Marie Garel-Weiss voulait filmer de vrais personnages avec un côté super-héros (d’où leurs rares changements de costumes). "Avec Caroline Spieth, la cheffe costumière, cela a été pourtant un casse-tête de leur trouver à chacun celui qui les définirait, c’est devenu obsessionnel !", note-t-elle.
Marie Garel-Weiss a fait le choix du Scope pour induire un effet féerique et placer les personnages dans des décors plus grands qu’eux. La cinéaste voulait des plans larges et parfois picturaux : "Nous avons fait beaucoup de plans-séquence, les acteurs se tenaient au texte, la tension des scènes souvent longues et très dialoguées devait rester intacte. Nous avons travaillé très étroitement au découpage avec Bénédicte Darblay, ma scripte, et Jeanne Lapoirie."
"Il y avait aussi l’idée un peu conceptuelle d’aller à l’inverse du parcours de Mimi : moins ça va pour elle, plus la lumière entre dans le cadre, comme un aveuglement. C’est sans doute peu perceptible, mais le choix des décors, les cadres, les couleurs, tout était souvent relié à un ressenti ; on se posait toujours la question : quel serait l’effet émotionnel si l’on faisait ça ?"
Pour la bande originale Marie Garel-Weiss a travaillé avec les compositeurs Ferdinand Berville, son compagnon, et Pierre Allio. Elle se rappelle : "Ils ont avancé sur un fil en résonance avec des orchestrations des années 1970, inspirées par celles de Lalo Schifrin, par Henry Mancini également, tout en restant axées sur la modernité des personnages. Tous les deux me faisaient penser au chef suédois du Muppet Show : ils mélangeaient des ingrédients avec audace et enthousiasme, ils repartaient et revenaient toujours avec de nouvelles propositions."
"Avec le romanesque et le lyrisme qui se dégagent de leurs compositions, ils ont su faire écho au souffle de Paul et Mimi, à leur cavalcade. Pour ce qui est des musiques additionnelles, quand j’ai émis le désir d’utiliser un titre interprété par Caetano Veloso, un dieu pour moi, j’osais à peine imaginer que ce soit possible et j’étais folle de joie que ça le devienne. L’impromptu de Schubert est comme un tube, il est tellement émouvant... Et puis, Ferdinand m’a fait découvrir cette chanson de Christophe, une véritable pépite qui résonne à la fin du film."