Ce film centré sur de jeunes féministes qui investissent les murs des villes pour dénoncer les violences sexistes et les féminicides est né d’un engagement personnel et surtout d’une grande curiosité pour le sujet chez Marie Perennès et Simon Depardon :
"Comme beaucoup de gens, nous avons découvert un collage en bas de chez nous. Ça nous a beaucoup touchés et quelques jours plus tard, je faisais ma première session de collage avec le collectif parisien."
"Il y a eu tout de suite le désir d’écouter ce que ces militantes avaient à nous dire et la volonté de leur donner la parole – une parole qui nous semblait souvent caricaturée dans les médias."
"Nous avons voulu garder une trace de cette action qui par essence est éphémère puisque c’est de la colle, de la peinture noire sur des feuilles A4 qui disparaissent au fil des intempéries, de l’arrachage des passants mécontents ou des municipalités."
Marie Perennès et Simon Depardon ont choisi de filmer plusieurs collectifs plutôt que de se centrer sur un seul groupe : "On avait extrêmement envie de filmer la France et la pluralité de ce mouvement, en allant contre cette idée reçue que les campagnes et les petites villes seraient laissées à l’extrême droite."
"On voit bien qu’il y a une jeunesse qui se bat, qui pense à l’égalité femme-homme, à l’écologie... Après plusieurs repérages, on s’est vite rendu compte que le film devait aussi être tourné dans les villes moyennes et les villages, pas seulement dans les grandes villes."
Marie Perennès a commencé par poster sur Instagram ce collage d'affiches en bas de chez elle (en identifiant le collectif parisien) : "Elles m’ont invitée à les accompagner à une session de collage. J’y suis allée état partir de là, j’ai commencé à nouer des contacts avec plusieurs colleur.euses parisiennes puis avec d’autres collectifs en France."
"Quand nous arrivions dans une ville, nous les rencontrions et de filen aiguille, nous réussissions à créer une complicité, une confiance. Ensuite nous avons dû choisir au montage pour chaque ville, les personnages de notre documentaire."
Riposte féministe a été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2022.
Ces militantes se désignent sous l’appellation de « colleur.euses ». Il s'agit du terme inclusif pour les qualifier puisqu’il s’agit de femmes, mais aussi de personnes appartement à des minorités de genre (transsexuelles ou non binaires). Marie Perennès précise :
"Je dirais que les personnes que nous avons rencontrées sont majoritairement assez jeunes, entre 18 et 25 ans. Elles sont très politisées, ont un discours spontané et assez bluffant. Après, je n’ai pas l’impression qu’il y ait vraiment un profil type, c’est un mouvement très inclusif et tout le monde y est accepté."
"Leur fonctionnement est très horizontal, il n’y a pas de cheffe et chacun peut proposer des actions, des collages, des slogans. Leur mode d’action ne s’arrête pas qu’aux collages, elles interviennent souvent en soutien aux victimes en organisant des marches blanches, des manifestations, etc."
Au-delà de son rôle de productrice, la réalisatrice et ingénieur du son Claudine Nougaret a été la première à croire en ce projet et à dire : "Ce film est une nécessité, il faut laisser une trace de cinéma de ce mouvement sinon plus tard on ne nous croira pas". Marie Perennès et Simon Depardon expliquent :
"Je pense sincèrement qu’aucune autre productrice n’aurait eu cette ténacité pour faire exister le film, c’est parce qu’elle-même est quelqu’un d'engagé qui a participé aux luttes féministes des années 70/80, qui a été l’une des premières ingénieures du son en France et qui milite pour la parité dans le cinéma."
"Tout ça a évidemment nourri nos discussions. Claudine avait, plus que personne, avec son regard féministe et aiguisé,une envie farouche de laisser un témoignage de ce jeune mouvement."
Marie Perennès et Simon Depardon voulaient être à la fois irréprochables sur la technique et concevoir un beau film sur le sujet, en sortant de l’esthétique "documentaire vite fait, mal fait" qui, selon les deux cinéastes, "gangrène le genre". Ils expliquent :
"Palmeraie et désert est la maison de production de Raymond Depardon et Claudine Nougaret depuis plus de trente ans, nous ne pouvions que nous inscrire dans leur démarche de filmer des Français et Françaises avec la même qualité technique que les grands acteurs d’Hollywood."
"Nous voulions être à la fois irréprochables sur la technique et avoir un beau film sur le sujet en sortant de l’esthétique « documentaire vite fait, mal fait » qui gangrène le genre. Pourquoi le militantisme serait-il toujours quelque chose que l’on doit filmer à la va-vite ?"
"On peut presque faire un parallèle entre le fait de poser une caméra sur un trépied et coller. On y retrouve les mêmes défis : occuper l’espace public la nuit, ne pas avoir peur d’être accosté par un homme, montrer qu’on a le droit d’être là alors que 100% des femmes ont déjà été harcelées."