La symphonie du silence
Keiko vit dans les faubourgs de Tokyo où elle s’entraîne avec acharnement à la boxe. Sourde, c’est avec son corps qu’elle s’exprime. Mais au moment où sa carrière prend son envol, elle décide de tout arrêter… On se dit qu’a priori, l’histoire d’une boxeuse sourde, ça n’a pas grand-chose de glamour. Mais, c’est là le talent du japonais Sho Miyake, qui pour son 1er film parvient à nous séduire et nous bouleverser durant 100 minutes dans les salles de boxe, un appartement inconfortable et des extérieurs pas forcément très riants. Tout tourne autour de ce personnage qui n’attire pas forcément l’empathie et d’un scénario minimaliste. Mais voilà, l’important ici, et c’est très rare pour le souligner, c’est la bande-son !
Le film s'inspire de l'autobiographie de la boxeuse Keiko Ogasawara. Mais le réalisateur a finalement renoncé à reconstituer les éléments du livre et a opté pour une fiction quasi-totale, qui reste, a minima, inspirée de la vie de la jeune femme. Le film a été tourné pendant la pandémie de Covid-19 et intègre cette réalité à l'écran. Le hasard fait qu’à l’époque du tournage, le cinéaste effectuait des recherches sur l'impact du port des masques FFP2 sur la vie quotidienne des malentendants, dont la possibilité de lire sur les lèvres s'en retrouvait très restreinte. Il s’agit avant tout d’un film d’apprentissage plutôt qu’un film de sport, puisqu’il ne repose pas sur une victoire sportive mais plutôt sur une victoire personnelle. Volontairement ou pas – je l’ignore -, le film donne une place prépondérante à la bande-son, qui, en accentuant le moindre bruit ambiant, attire l’attention sur notre environnement sonore, celui dont, précisément, est privé l’héroïne. Les bruits de la salle de sport, de la rue, des trains, des objets du quotidien, la guitare de son colocataire… bref la vie. Voilà un portrait sensible et bouleversant d’une solitude.
Yukino Kishii est pour moi une découverte et une belle grâce à sa formidable présence qui va bien au-delà de sa performance physique. Les Tomokazu Miura, - magnifique en mentor en bout de course -, Masaki Miura, Shinichiro Matsuura, etc. qui l’entourent réussissent tous des prestations tout en sobriété d’une extrême finesse et font de ce film une sorte de bombe émotionnelle à retardement. C’est bien après le mot FIN que l’on comprend ce à quoi on vient d’assister : un anti Rocky, le cheminement émotionnel d’une femme mutique en quête de sérénité. Rare et superbe.