En amont du tournage, Baptiste Debraux s'est renseigné sur l’évolution démographique de la Vallée de la Meuse. Le cinéaste se rappelle : "Par exemple, Fumay qui était déjà une petite ville, est passée de 6000 à 3500 habitants entre mon adolescence et aujourd’hui. Revin, la ville où était mon lycée, a aussi perdu la moitié de ses habitants (de 11000 à 6000). Les usines ferment, les services publics s’amenuisent, les déserts médicaux se créent, comme le rappelle le personnage de la mère de Paul, interprétée par Anne Consigny. Je voulais, là encore, mettre en avant l’aspect romanesque de ce délitement."
"J’ai aussi revu des images des grèves dans la vallée, au cours des années 1980, qui étaient extrêmement dures. En 1983 à Vireux-Molhain, les ouvriers de la Chiers, une des plus importantes usines de la région, ont par exemple brûlé le château du directeur. Devant l’incendie, les pompiers sont restés les bras croisés en signe de soutien aux grévistes !"
Avec une trentaine de jours de tournage, de début novembre à mi-décembre, le tournage de Un homme en fuite n'a pas été de tout repos, même si Baptiste Debraux a été très bien épaulé par l’équipe technique et les comédiens. Il se souvient : "Et puis, je crevais littéralement de raconter cette histoire depuis si longtemps... Dès que j’ai su que j’allais pouvoir tourner mon film, j’ai commencé à travailler ma mise en scène en essayant d’instiller dans chaque séquence mes envies de cinéma, sachant que je devais m’adapter à une économie assez restreinte."
"J’ai voulu creuser mon propre sillon : réaliser un film à la croisée des genres, exigeant artistiquement et généreux vis-à-vis du public."
Rochebrune, où se déroule Un homme en fuite, est une ville fictive : "Je suis originaire des Ardennes, où j’ai tourné le film. Mes parents vivent toujours dans une petite ville de la Vallée de la Meuse. J’en suis parti à dix-huit ans comme Paul, après le Bac, et j’ai coupé les ponts. J’avais le sentiment que c’est ainsi que je devais avancer. J’ai inventé Rochebrune autant pour mettre une distance avec mon vécu que pour me sentir le plus libre possible. Me rappeler à moi-même que cette histoire est avant tout une fiction", explique Baptiste Debraux.
Un homme en fuite est une fiction qui s'inspire des souvenirs de Baptiste Debraux, qui connaît bien la totalité des lieux qu'il a filmés. Le metteur en scène confie : "Fumay par exemple, c’est la ville des mines d’ardoise depuis longtemps fermées, comme les fonderies et les aciéries aux alentours. Je voulais faire ressentir dès les plans d’ouverture du film l’atmosphère d’un tel endroit, cette petite ville ouvrière au milieu des bois, avec son économie au ralenti."
Les flashbacks du récit de Un homme en fuite transportent le spectateur de 2018 à 2003 et les personnages de leurs trente-trois à leurs dix-huit ans. Baptiste Debraux note : "Pour moi, c’est une convention qu’on passe avec le spectateur, une licence poétique. C’est comme si on lui disait : « On est au cinéma, on triche » et pour ma part, en tant que spectateur, je n’ai aucun problème à accepter ce type de procédé."
"Et puis, il y avait un côté ludique à chercher les différents looks, les manières d’être, de parler... Ça s’est révélé passionnant et ça nous a permis d’aborder beaucoup d’autres facettes de jeu avec Bastien, Marion et Pierre."
Bastien Bouillon et Pierre Lottin s'étaient déjà donné la réplique dans un autre thriller policier : La Nuit du 12.
Sans Arthur, leur chanteur, Clément (guitare), Antoine (basse), Sébastien (guitare) et Raphaël (batterie) du groupe FEU ! CHATTERTON ont composé la bande originale de Un homme en fuite : "Baptiste ne voulait surtout pas de synthétiseur. Après avoir beaucoup préparé, on a enregistré live en studio, ensemble, des plages d’expérimentation et d’improvisation. Les groupes en France n’ont pas souvent l’opportunité de composer des musiques de film, notamment par contrainte budgétaire, et on aimait beaucoup le scénario, qui nous rappelait le cinéma de Ken Loach."
"Il y a-là une mélancolie et un sentiment de révolte sociale qu’on retrouve dans certaines de nos chansons, un climat pluvieux et des paysages de murs de briques rouges. Quant aux références musicales de Baptiste, elles nous évoquaient les B.O. des séries Peaky Blinders et Les Revenants. Il savait exactement ce qu’il voulait, ce qui a permis de composer dans un cadre. Avant d’enregistrer, on se projetait les scènes de son film et on jouait devant. Le son est organique, rugueux et charnu, avec quelques larsens et parfois, le frottement de l’archet sur les cordes."