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    La Maison
    Anecdotes, potins, actus, voire secrets inavouables autour de "La Maison" et de son tournage !

    Parcours atypique

    Anissa Bonnefont a d’abord été réalisatrice seconde unité sur d’importantes productions internationales, comme Paradise Lost et The Informer. Elle a ensuite réalisé deux documentaires sortis au cinéma : Wonder Boy, Olivier Rousteing, né sous X, autour d'un enfant né sous X, devenu directeur artistique de la maison de couture Balmain à 25 ans.

    Puis, Nadia, qui raconte l’histoire d’une jeune femme afghane réfugiée au Danemark après l’assassinat de son père, militaire opposant au régime des Talibans. Elle est devenue l’une des plus grandes footballeuses au monde, tout en menant en parallèle des études de chirurgie.

    Naissance du projet

    Anissa Bonnefont a rencontré le producteur Clément Miserez à un dîner. Il avait beaucoup aimé Wonder Boy et lui a proposé d’adapter un livre au cinéma : La Maison d’Emma Becker. Au bout de deux heures de lecture, la cinéaste l'a rappelé en lui disant qu'elle devait rencontrer l'auteure. Elle se rappelle :

    "Or, plusieurs réalisateurs – uniquement des hommes – étaient déjà sur les rangs pour signer l’adaptation et, malheureusement pour moi, l’un d’entre eux avait convaincu Emma Becker de lui céder les droits. J’étais extrêmement déçue mais j’avais la sensation intime que l’histoire n’allait pas s’arrêter là !"

    "Six mois plus tard, grâce à mon agent Christelle Graillot, j’ai appris que les droits de La Maison étaient à nouveau libres. Et Emma a voulu que ce soit moi. Et le fait que ce soit un regard de femme réalisatrice, qui plus est documentariste avec, de ce fait, un rapport privilégié au réel a été déterminant dans son choix."

    Anissa Bonnefont conquise

    Anissa Bonnefont explique ce qui lui a plu chez Emma Becker : "Son audace, sa capacité à assumer pleinement son désir et sa sexualité au point d’en faire un roman, sa volonté d’assumer à 100% qui elle est malgré les jugements de la société qui lui ont collé au dos. Je trouve extraordinaire d’avoir la force d’assumer qui on est."

    "Il s’agit d’un récit, à mi-chemin entre le journal intime et un travail d’immersion dans un univers clos et très souvent fantasmé. Pour moi, ce n’est en aucun cas une apologie de la prostitution puisque l’auteure elle-même souligne l’irréductible singularité de son expérience et rappelle que dans la majorité des cas les prostituées vivent un enfer."

    Ecriture à quatre mains

    Anissa Bonnefont a coécrit le scénario du film avec Diastème parce qu'elle voulait avoir une vision masculine à ses côtés. La réalisatrice se souvient : "Nous avons écrit une dizaine de versions du scénario, mais la première était une traduction trop littérale du livre. Je me suis rendu compte peu à peu qu’il fallait s’en éloigner car l’ouvrage n’a pas de structure dramaturgique à proprement parler."

    "Il me fallait une arche narrative qui m’était propre et j’avais besoin de camper rapidement mon personnage principal -Emma- qui dans un livre peut mettre des centaines de pages à éclore. J’y ai mis mon point de vue, de cinéaste et de femme, et je me suis approprié le livre."

    Qui pour Emma ?

    Au départ, pendant l’écriture, Anissa Bonnefont ne savait pas qui elle allait choisir pour jouer Emma. La cinéaste savait toutefois qu'il lui fallait une jeune femme séduisante, qui n’effraie pas les autres femmes et qui puisse « aimanter » les hommes. Elle a alors pensé à Ana Girardot :

    Je lui ai proposé le rôle, et dès que je l’ai eue en tête, je n’ai pas eu besoin d’audition pour confirmer mon impression. Je la trouve très belle, mais aussi accessible, et c’était pour moi très important qu’elle puisse être touchante, avec quelque chose de différent."

    "Elle cochait pas mal de cases pour jouer Emma, même si elle a une féminité plus joyeuse, plus légère que le personnage principal du roman. Je l’ai donc faite travailler avec une danseuse du Crazy Horse pour lui apprendre une forme d’ancrage du corps et donc une féminité plus affirmée."

    "Cette préparation lui a donné une grande force et Ana a trouvé une grande partie de son personnage en dansant tout en apprenant à regarder fixement son interlocuteur."

    Se documenter

    Au départ, Anissa Bonnefont s'est dit qu'elle avait surtout besoin de se documenter auprès d’Emma Becker. Venant elle-même du documentaire, la cinéaste a par ailleurs ressenti le besoin d’avoir d’autres sources d’information et de rencontrer d’autres acteurs de ce milieu :

    "J’ai alors visité une maison close à Berlin, échangé avec une dominatrice SM qui a d’ailleurs été ma consultante pour le rôle d’Aure Atika. Elle lui a appris à fouetter « dans les règles de l’art », et on a même assisté à une séance !", confie-t-elle, en poursuivant :

    "Une fois le tournage terminé, et avant d’aborder le montage, j’ai ressenti la nécessité de rencontrer les membres du STRASS, le Syndicat du Travail Sexuel, qui défend les droits des travailleuses du sexe. J’ai beaucoup appris de nos échanges en particulier sur la nature de leurs revendications."

    Scènes de sexe

    Anissa Bonnefont souhaitait que le film soit accessible au plus grand nombre : "Je pense que l’on peut montrer beaucoup, et faire passer énormément d’émotion, même à travers la sexualité, sans être obligé d’être trop crue. Il fallait répondre à la promesse sulfureuse de cette histoire en essayant de ne jamais verser dans la vulgarité."

    Un hôtel particulier

    Anissa Bonnefont ne voulant pas tourner en studio, elle a posé sa caméra dans un grand hôtel particulier de Bruxelles : "Pour un récit aussi intime, j’avais besoin qu’on soit entre de vieux murs, qui ont une histoire. J’avais besoin de quelque chose de solide pour les acteurs."

    "C’est aussi dans la contrainte – comme celle liée à la disposition des murs – qu’on se pose les bonnes questions pour la mise en scène. J’ajoute que nous avons trouvé d’autres lieux, magnifiques et insolites que je vous laisse le soin de découvrir."

    Choix esthétiques

    Anissa Bonnefont a choisi de filmer les scènes au bordel en Steadicam, comme si Emma s’analysait et se voyait tel un personnage de fiction. Pour les scènes à l'extérieur, la cinéaste a tourné caméra à l'épaule, ce qui amène à une plus grande proximité avec elle.

    Côté bande-originale

    Anissa Bonnefont a voulu que la musique soit à la fois moderne et lyrique : "Il y a parfois des envolées, notamment dans les moments entre Emma et son amoureux, incarné par le magistral Lucas Englander, au parc et dans le fabuleux monument où ils vivent leur amour."

    "J’ai fait appel à Jack Bartman, compositeur au talent fou de 33 ans, qui a ces sonorités contemporaines, créées à l’ordinateur, et qui travaille aussi avec un orchestre. Le choix musical était également important pour raconter l’identité des lieux."

    "Pour le Manège j’ai choisi des musiques très froides, façon lounge, lancinantes, difficiles à supporter pour les filles. Pour la Maison, les sons viennent des filles : elles écoutent parfois la radio, ou choisissent de ne rien écouter et le silence s’impose."

    Scène d'ouverture

    Pour la scène d'ouverture, Anissa Bonnefont a d'abord opté pour une mise en scène "regard-caméra", puis en caméra subjective : "Je voulais que, dès la scène d’ouverture, le spectateur entre directement la tête puis le corps de mon personnage principal. Il était donc important que la première scène, où elle reçoit un client, soit perçue à travers sa sensation et son regard. D’où la caméra subjective : c’est son expérience et ses sensations. Le spectateur se retrouve alors en immersion."

    En comité réduit

    Anissa Bonnefont n'a pas travaillé avec des doublures pour les scènes de sexe, ni avec un coordinateur d’intimité (c'est elle qui a assumé ce rôle) : "On a chorégraphié ensemble, avec les comédiens, les scènes de nudité, ce qui a créé une intimité et une confiance totale, et une forme de légèreté sur le plateau."

    "D’ailleurs, pour vous en donner un exemple, mon chef-opérateur Yann Maritaud a même accepté de se dénuder pour la scène où Ana le fouette ! Cela en dit long sur le niveau d’investissement de l’équipe en général !"

    Nikita Bellucci au casting

    A noter la présence au casting de Nikita Bellucci, une actrice pornographique. Anissa Bonnefont l'a découverte grâce à une interview sur Brut où elle explique qu’elle a choisi de faire ce métier. Mais elle est aussi une femme engagée qui trouve dangereux que le porno soit aussi facilement accessible aux mineurs :

    "À travers ce choix, j’ai aussi voulu dénoncer l’hypocrisie autour de la prostitution qui n’existe pas autour du porno. Pourtant, dans les deux cas, le corps de la femme est monnayé. Le porno est largement accepté par la société, alors que la prostitution reste un gigantesque tabou", précise la réalisatrice.

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