Qui à part nous est né de l’envie du réalisateur de retrouver les jeunes acteurs qui jouaient déjà dans son film La reconquista. ”Je sentais que mon travail avec eux n’était pas terminé. Nous nous sommes mis d’accord pour travailler au temps présent, de façon artisanale et sans équipe, à partir de choses qu’ils ressentaient ou qu’ils éprouvaient.” Il s’est lancé dans le projet sans planifier les choses mais en filmant à ses heures perdues avec une grande liberté.
Avec Qui à part nous, Jonás Trueba ne vise pas le portrait sociologique exhaustif mais plutôt une immersion dans l’adolescence : “Je souhaitais que ces personnages me racontent ce qu’ils pensent de l’amour, de la société, du conflit entre l’individu et le groupe, de qui ils sont. Bref, je voulais qu’ils parlent de toutes les questions fondamentales de l’adolescence.” Pour le cinéaste qui avait 35 ans quand il a commencé à travailler sur ce film, il s’agissait de revivre d’une certaine manière son adolescence “dans un moment de passage définitif à l’âge adulte. L’adolescence vous permet de parler des questions importantes, de la vie, de l’amitié et de l’amour, d’une manière plus forte et plus pure. Plus idéaliste, peut-être.”
Le réalisateur considère son film comme un dialogue personnel avec La pyramide humaine de Jean Rouch, ou avec les documentaires que Michel Brault a tournés au Canada. Il a aussi été influencé par le cinéma du réel aux États-Unis dans les années 60 et 70, “notamment la texture brute des documentaires sur les concerts, avec Woodstock en tête.”
Qui à part nous a été conçu comme un film très instinctif et peu théorique : “C’est un film qui vacille. En tant que spectateur, ce que je trouve le plus intéressant, c’est son imprévisibilité, son questionnement permanent, voire une certaine maladresse.”
Qui à part nous se situe entre le documentaire et la fiction. Le réalisateur revient sur cette forme hybride : “Je me suis inspiré de la « mise en situation », un concept théorisé par le réalisateur espagnol José Luis Guerín, en opposition à la mise en scène. Le but était de faire réagir les protagonistes à des situations qui ne se présenteraient sûrement pas de cette manière dans leur vie. Le film-essai du témoignage pur a évolué vers quelque chose de plus construit et élaboré, vers l'action ou le récit.”
Jonás Trueba a rencontré des dizaines de jeunes jusqu’à réunir les neuf qui apparaissent dans le Zoom du dernier volet, filmé pendant la pandémie. “Le choix s’est fait en fonction de nos affinités réciproques. J’ai commencé avec le groupe de comédiens que je connaissais déjà et puis des personnes que nous avons rencontrées au hasard des rencontres que nous avons organisées dans plusieurs lycées de la région de Madrid se sont greffées au projet. Nous ne leur avons pas fait passer de casting, c’était un processus plus informel et plus ouvert.”
Qui à part nous contient deux entractes. Une manière pour le réalisateur de donner “une dimension épique à un film de taille modeste et à petit budget. J’aspirais à une certaine ampleur qui passait par la durée du film, par son temps de tournage et aussi par ces entractes qui font partie de l’histoire du cinéma. Ils offrent un moment de respiration où vous pouvez sortir du film pendant quelques minutes.” Ils permettaient également de diviser le long-métrage en trois chapitres.
Le titre original, Quién lo impide, signifie en français “Qui l’empêche”. C’est une référence à une chanson de Rafael Berrio, “un chanteur que j’ai toujours aimé et qui est aussi souvent traité d’« anachronique ». Il parle du processus de construction de l’identité, du cheminement pour devenir « soi-même », pour arriver à comprendre qui l’on est et de ne pas avoir peur d’essayer d’autres choses”, révèle le réalisateur.