Si le crime (fictif) a eu lieu à Saint-Jean-de-Maurienne, et que c’est toujours plus agréable (pour moi) de reconnaître les endroits de tournage, ‘La nuit du 12’, en tant que polar, n’est pas du tout là où on l’attend. Un crime sordide, une jeune fille brûlée vive sans raisons par un inconnu, la P.J. de Grenoble, constituée de profils très différents, vieux briscards et perdreaux de l’année, qui mène l’enquête,...des suspects qui, comme le film l’annonce par la voix d’une de ses personnages, auraient tous pu faire le coup…Les personnages sont complexes mais lisibles, les interrogatoires, tendus à souhait. ‘La nuit du 12’ fait indiscutablement partie de la catégorie noble des polars français, ceux qui n’ont rien de télévisuels mais en fin de compte, il vaut moins pour son whodunit qui n’en est pas un que pour ce qu’il a à dire sur le contexte. Au détour de conversation entre flics, il exprime en effet pas mal de choses sur pas mal de sujets : sur le manque de moyens de la fonction publique mais aussi sur le constat que dans une affaire comme celle-ci, la victime (féminine) est toujours soupçonnée, même à la marge, d’avoir un peu cherché ce qui lui est arrivé. Au-delà de ce discours qui résonne fortement dans l’actualité, ‘La nuit du 12’ s’intéresse aussi beaucoup à la dynamique interne de l’équipe d’enquêteurs, comment ces hommes ordinaires réagissent face à l'innommable et l’inexplicable, comment cela les affecte sur le plan privé, comment certaines enquêtes deviennent des spectres qui hantent jusqu’à la fin, le tout étant bien servi par des prestations au-dessus de la moyenne. ‘La nuit du 12’ est donc un polar rare, différent, minutieux et taillé au cordeau, qui fait passer le point de vue du particulier au général et de l’impossible résolution d’une enquête à ses effets collatéraux.