Foudre trouve sa genèse dans plusieurs moments révélateurs ayant marqué Carmen Jaquier. Parmi eux : deux adolescents qui s’étaient immolés par le feu dans une banlieue de Berlin. Cette tragédie a rappelé à la réalisatrice à quel point elle se sent concernée par cette période appelée adolescence. Elle se rappelle : "Puis j’ai découvert une série de petits carnets appartenant à mon arrière-grand-mère dans lesquels, chaque jour, elle dialoguait avec le Seigneur. Cela : a donné lieu à de nombreuses fictions dans ma tête."
"Les mots de ma grand-mère, une femme simple, éloignée de la littérature, étaient passionnés. Sa foi lui permettait d’affronter ses peurs. N’avait-elle jamais été aussi intime avec quelqu’un qu’elle l’avait été avec Dieu ? Dans mon imagination, je la voyais comme une mystique. J’ai pensé à tout ce qui avait été enlevé aux femmes, surtout en ce qui concerne l’autonomie et l’expression. Comment les femmes, aussi différentes soient-elles, ont pu créer des espaces de relations,de connexions, de réflexions intimes et essentielles pour traverser la vie…"
Au fur et à mesure que Carmen Jaquier avançait dans ses recherches, elle s'est rendue compte qu'elle ne trouverait pas ce qu'elle cherchait dans les livres d’histoire, car il s’agissait souvent d’un point de vue sur et non de récits transmis par les personnes concernées : "Grâce aux rencontres que j’ai faites avec les anciennes et les anciens, j’ai compris que je devais aller à la rencontre des sentiments, des émotions, de l’histoire vivante."
"Je voulais réécrire la grande Histoire, celle qui avait oublié de documenter la vie des femmes, l’histoire de mon arrière-grand-mère, combler les lacunes, écrire des personnages inspirants dont je serais l’héritière. Mes recherches sont donc aussi précises que subjectives. Ces découvertes, ces réflexions, m’ont conduite à Foudre et à cette question fondamentale pour le film : et si Dieu était désir ?", explique la réalisatrice.
Carmen Jaquier et la directrice de la photographie Marine Atlan voulaient rendre la matière de Foudre sensuelle. Afin de révéler l’organique en parallèle du numérique, elles ont utilisé de la vaseline et des bas devant et derrière l’objectif. Elles souhaitaient également que l'image vibre au fur et à mesure que le désir d’Élisabeth se révélait à elle. Elles sont jusqu’à aller chercher la matière au point de révéler ses pixels lorsque Élisabeth lit le cahier d'Innocente.
Il a fallu plus de deux ans de casting intensif, dirigé par Minna Prader, pour trouver les acteurs de Foudre. Au départ, Carmen Jaquier cherchait une jeune femme qui n’avait jamais joué pour le rôle d’Elisabeth : "Nous avons rencontré des profils très intéressants, mais finalement nous avons ouvert le casting aux jeunes actrices. Je cherchais un visage qui puisse se transformer, un corps qui puisse être aussi bien discret qu’imposant, une personne à la fois tendre et puissante. La rencontre avec Lilith Grasmug a été extraordinaire, elle m’a aidée à comprendre Elisabeth."
"Elle a tenu un cahier pendant le tournage, composé de textes, de collages, d’un herbier, de tout ce qui la reliait à son personnage et à la nature environnante. Son engagement était total. C'est aussi Mina qui m'a présentée à Mermoz Melchior, Benjamin Python et Noah Watzlawick. Travailler avec eux a été très inspirant pour moi. Immédiatement, ils ont formé un petit collectif, composé de personnalités d’horizons différents et toujours avec beaucoup de douceur et de bienveillance. Ils ont offert au film sa quête d’un grand amour tendre et expérimental", se rappelle la cinéaste.
La musique du compositeur suisse Nicolas Rabaeus participe beaucoup à l’ambiance du film : "Il parlait d'un souffle dans le dos d’Élisabeth, d'un voile de protection et de réconfort venant de l’au-delà. Il a également produit une série de "vents" - lumineux, froids, brillants et aux sonorités électroniques - qui nous ont beaucoup inspirés pendant la phase de montage."
Son travail sur Foudre a été récompensé par le prix de la meilleure musique au prix du cinéma suisse en 2023. Le compositeur avait pu travailler auparavant avec Delphine Lehericey sur ses films Le Milieu de l'horizon et Last Dance.