L’idée de La Prisonnière de Bordeaux vient du réalisateur Pierre Courrège (Un Homme d'État, La Cible) qui devait, à l'origine en 2012, mettre en scène le long métrage. Son intention était de réaliser un film social sur les femmes de maisons d'accueil (situées à côté des prisons) et de parloirs. La réalisatrice Patricia Mazuy se rappelle : "C’étaient des circonstances de départ, fortes. Pierre Courrège et François Bégaudeau – avec lequel Pierre avait écrit Un Homme d’Etat (2016) – ont écrit un scénario et cherché pendant plusieurs années à monter le film, sans succès. Le projet m’a été proposé au début de 2019 par Ivan Taieb un ami du producteur, Xavier Plèche."
"Dans leur scénario, les deux personnages féminins, la riche et la pauvre, la blanche et l’arabe, existaient déjà. Elles avaient déjà des échanges de dialogues, forts et même drôles, irrigués par les rapports de classe. Je l’ai repris en collaboration avec Bégaudeau. Très tôt, j’ai tenu à trouver une métaphore de la libération de deux femmes enfermées, chacune dans une vie particulière. Alma et Mina deviennent comme poreuses l’une à l’autre. L’arrivée de la seconde dans la grande maison et dans la vie solitaire de la première catalyse chez Alma la conscience de sa vie misérable dans les dorures et les fleurs. Métaphore renversée de l’amour, les dames dehors, les maris en prison."
Hafsia Herzi et Isabelle Huppert ont récemment tourné ensemble dans Les Gens d’à côté d’André Téchiné.
En se documentant sur la prison, Patricia Mazuy a découvert les maisons d’accueil : "Les lieux, l’attente, les femmes entre elles… Et pendant qu’il a fallu patienter pour obtenir les autorisations de tournage et même de visites de repérages, je me suis documentée grâce aux films de Stéphane Mercurio. Ils m’ont beaucoup aidée.
"Après avec Marlène Popovic en charge du casting sauvage, nous avons trouvé un groupe de femmes qui avaient vécu ou qui vivaient cette vie de d’épouse de parloir. Ensuite avec Any Mendieta, une amie comédienne, nous avons travaillé pour apprivoiser ce qu’est un tournage. Un petit groupe, de vraies rencontres", se souvient-elle.
La Prisonnière de Bordeaux a été présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2024. A noter que Patricia Mazuy avait reçu le Prix de la jeunesse, dans la catégorie film français, pour Saint Cyr en 2000.
Le tournage s’est déroulé entre le 16 octobre et le 2 décembre 2023. Une durée courte, à laquelle s'ajoutait une pluie permanente. Patricia Mazuy précise : "Nous calions les prises entre deux averses. Ce fut un tournage compliqué. Entre autres difficultés, je ne pouvais pas tourner à la prison de Bordeaux, trop décrépite et surpeuplée, impossible d’y aller pour des raisons de sécurité, car je voulais une prison moderne en bord de ville, une prison dans un no man’s land, comme sont souvent les centres de détention modernes."
"La maison d’accueil dont nous voyons l’extérieur se situe à Mont-de-Marsan. On en a reconstruit l’intérieur en faux studio dans un local associatif. Pour les parloirs, nous ne pouvions tourner que le lundi, jour où il n’y a pas de visite… Tout ça était assez acrobatique en terme de logistique."
A noter la présence d'Achille Reggiani dans le rôle du fleuriste. Il s'agit du fils de Patricia Mazuy, qui avait l'un des deux rôles principaux dans le violent Bowling Saturne, le précédent film de la réalisatrice. Il y campait un terrifiant tueur en série.
Mina est interprétée par Hafsia Herzi et Alma par Isabelle Huppert. Patricia Mazuy connaît la seconde depuis Saint Cyr (1999) : "Son personnage, Alma, est une héroïne pleine de failles et de flottements, et en même temps d’une générosité absolue, courageuse, même si elle est perchée au-dessus du vide de sa vie, enfermée dans sa solitude… Dans la vraie vie Isabelle a cela en elle". La cinéaste ajoute au sujet de Hafsia : "Hafsia Hersi, bien sûr, je la connaissais dès La Graine et le mulet, et par les films suivants, mais c’est avec son premier film en tant que réalisatrice, Tu mérites un amour, que j’ai eu fort envie de lui proposer un rôle."
"Le contraste entre elles deux me semblait important. Je voulais qu’Hafsia apparaisse comme un contraire d’Isabelle. J’ai demandé à Hafsia d’être plus en chair afin de renforcer l’opposition. Quelques kilos lui ont donné de bonnes joues et quelque chose de sublime dans l’ovale du visage. J’avais un souci avec ses longs cheveux, totalement somptueux, mais infilmables pour moi dans le duo à venir… Après moult essais indescriptibles, nous avons enfin trouvé la coiffure qui la grandissait, le chignon de tresses collées au-dessus de la tête. Il lui ouvrait les yeux, la mettait dans un mélange de conte et de réel actuel. Le film avait trouvé sa princesse."