Quentin Reynaud a tourné En plein feu au cœur de l’été 2021, dans les Landes, une des forêts françaises les plus détruites par le feu l'année suivante. Après les incendies qui avaient ravagé la Californie en 2018 puis ceux, meurtriers et très importants aussi, qui s’étaient déclarés l’année suivante dans la brousse et la forêt australiennes, le réalisateur se doutait qu’en raison du réchauffement climatique ce type de catastrophe climatique allait se généraliser dans le monde. Il se rappelle :
"J’ai développé alors une fascination pour les récits de feu (visuels ou écrits) parce qu’ils m’ont fait réaliser que, quoi qu’on fasse, on reste à la merci des éléments et que, quels que soient les systèmes de protection ou d’évacuation mis en place par l’homme, si on empiète trop sur ses plates-bandes, la nature a les moyens de réagir avec une force phénoménale. Exemple avec Paradise qui avait été construite sur un terrain boisé dont on savait qu’un incendie y serait difficilement maîtrisable."
"Il se trouve que je suis originaire de Bordeaux et que je connais bien les forêts des Landes qui sont, avec celles du Var, les plus souvent touchées par les incendies. Plantées sous Napoléon III sur des marais, pour les assécher, ces forêts sont constituées de grands pins maritimes. Quand j’ai commencé à imaginer mon scénario, ces arbres me sont soudain apparus comme étant la métaphore d’une prison : quand ils sont en feu, ils nous enferment comme des barreaux, on ne peut plus en sortir."
Depuis Paris-Willouby et surtout 5ème set, Quentin Reynaud n'avait qu’une envie : retravailler avec Alex Lutz. Le cinéaste confie : "Nous avons créé des liens assez forts tous les deux. On s’épaule l’un l’autre. Un jour, il m’a dit cette phrase qui m’a bouleversée (je reprends ses mots) : 'Si tu as besoin de moi, tu me dis à quelle heure et où, et je viendrai'. J’ai donc écrit le personnage de Simon en pensant à lui."
L'idée de départ de Quentin Reynaud était de raconter une histoire de deuil, à la fois réaliste et psychanalytique, à travers la relation entre un père et son fils. Le metteur en scène confie : "J’avais le début : un quadragénaire, Simon, qui a perdu un de ses deux enfants, n’arrive pas à surmonter ce deuil."
"Au fond, mon film raconte le parcours d’un homme endeuillé qui, pour accepter son chagrin et ses souvenirs, doit se délester de ce qui lui pèse sur la conscience, avec en supplément, cette question cruciale qui se pose à beaucoup de parents qui perdent un enfant : est-ce que je décide de continuer à me battre et à vivre pour ceux qui restent, ou est-ce que je me laisse étouffer par les flammes pour le rejoindre, c’est à dire laisser le désespoir l’emporter, comme le font beaucoup d’êtres humains."
Pendant sa phase de recherches, Quentin Reynaud a trouvé une grande quantité de vidéos GoPro tournées par des particuliers, depuis leur voiture cernée par les feux de Californie. Ce qui l'avait frappé dans ces images était le calme de ces gens qui filmaient l’incendie sans avoir la moindre certitude d’en sortir (alors que, dans d’autres contextes, le feu provoque des comportements plutôt frénétiques) :
"J’ai essayé de reproduire dans mon film cette attitude de calme qui me paraissait assez dingue quand on se trouve dans une telle situation. Cette situation peut donner le sentiment que le film n’est pas réaliste, alors que paradoxalement, la réalité était encore plus difficile à croire", précise le réalisateur.
Le tournage n'a pas été dangereux, mais il a été complexe. Quentin Reynaud et son équipe ont tourné en décors réels dans deux endroits différents du Nord des Landes, dans le Sud de la Gironde. Ils se sont ensuite installés à Angoulême dans les studios où Wes Anderson avait tourné The French Dispatch.
"Notre chef décorateur a reconstitué à l’identique environ 80m de la vraie route des Landes sur laquelle on avait déjà filmé le début de toute la séquence où Simon et Joseph sont dans leur voitures coincés par les flammes. C’était beaucoup plus pratique pour gérer la lumière et le feu", se souvient le cinéaste.
Quentin Reynaud a construit son scénario sur le schéma d’une pièce de théâtre. Il s’ouvre sur une sorte de prologue, un face à face destiné à faire comprendre qu’entre Simon (Alex Lutz) et Joseph (André Dussollier), les ponts sont rompus : "Puis arrive une première partie, très réaliste, avec l’irruption d’un feu gigantesque qui oblige ce père et ce fils à fuir, tous les deux ensemble, dans une même voiture. La violence de leur peur va rompre les barrages psychologiques et les en délivrer."
"Nous sommes à ce moment du film, à la fois dans le huis-clos et dans le film-catastrophe, la tragédie d’hommes piégés par quelque chose de dantesque qui les dépasse et dont ils ne savent pas comment en sortir... Suit une seconde partie, qui bascule dans l’onirisme et la poésie, où, délivré de son père et du poids des non-dits, Simon décide d’essayer, coûte que coûte, malgré le danger, de trouver le chemin qui le fera sortir de cette forêt en flammes", explique le cinéaste, en poursuivant :
"Au cours de cette errance, réelle ou fantasmée (le spectateur peut choisir), il va croiser des pompiers irrationnellement désemparés, et va revisiter, comme dans un rêve cauchemardesque, plusieurs épisodes de son ancienne vie familiale..."