« Vous nous faites un film bien raide, Monsieur Perrin, un « hardcore ». C’est bien le terme, non ? »
Ce film de 1976 est la troisième collaboration de Francis Veber avec Georges Lautner après « Il était une fois un flic » (1972) et « La valise » (1973), troisième également avec Pierre Richard après les deux « Grand Blond » (Yves Robert, 1972, 1974) et avant le jouet (1976), c’est aussi l’unique collaboration de Richard avec Lautner et pour cause : leurs univers sont assez diamétralement opposés, tant au niveau des personnages que de leur environnement. C’est enfin la 4 ème apparition au cinéma de François Pignon/Perrin, après « L’emmerdeur » (Edouard Molinaro, 1973) et les deux « Grand Blond » et avant « Le Jouet ».
Autour de Pierre Richard (sobre), de Miou-Miou (absolument renversante) et de Jean-Pierre Marielle (identique à lui-même en producteur pervers), le casting propose une foule de seconds rôles dont la première apparition de Sabine Azéma et nous permet de découvrir une bande qui ne tardera pas à faire parler d’elle sur les planches et sur la toile : la troupe du Splendid, dans son propre rôle, à l’exception de Gérard Jugnot, en verve durant cette année 1976, qui tient une part plus importante que ses camarades (il jouera d’ailleurs un second rôle solo dans le « Jouet »). La truculente et classe Renée Saint-Cyr (la maman de Georges Lautner) et un Henri Guybet, enfin, dans un rôle assez fade et surjoué, comme trop souvent, complètent la distribution. Autant dire que ce « On aura tout vu » promettait en soi d’être un condensé intéressant.
Reprenant sa manie des plans arrêtés avant le dénouement de l’action et ses incrustations (à la De Palma), Lautner nous gratifie d’un sursaut salutaire devant la prévisibilité de certains gags et de son talent à saisir les expressions du visage en plus ou moins gros plans. Le thème, lui, est un questionnement du cinéma des années ’70, à la croisée des chemins expérimentaux et l’envolée du cinéma érotico-pornographique, dont plusieurs réalisateurs ont franchi la frontière (ne citons que Serge Korber). A ce sujet, outre les conversations ubuesques, les moments malaisants certains fabuleusement drôles, d’autres beaucoup plus touchants, on pointera, en détails durant toute la durée du film, des titres (imaginaires?) de films porno placardés ici et là.
Plus qu’une comédie facile qui pourrait déraper à tout instant dans la paillardise ou le boulevard à force de quiproquo, ce film est surtout une réflexion sur les limites morales et éthiques que peut repousser un artiste pour obtenir ce qu’il veut, pour « réussir ». L’opposition François Perrin (Pierre Richard)/Christine Lefèbvre (Miou-Miou) est à ce titre remarquable et profondément bouleversante.
Ce « On aura tout vu » est peut-être le scénario le plus construit et le plus complexe du jeune Francis Veber.