Le film a été présenté à l'ACID au Festival de Cannes 2021.
C’est en tournant son précédent documentaire, Southern Belle, que Nicolas Peduzzi a fait la connaissance de certains des protagonistes de Ghost Song : Will, le cousin du personnage principal, ainsi que Bloodbath, une rappeuse du Third ward, le quartier historique de la ville où est né le mouvement musical porté par DJ Screw. « J’ai commencé à les filmer parallèlement à Southern Belle sans l’utiliser dans le premier film. Ces personnages m’ont profondément touché malgré leurs carapaces et leurs attitudes qui pouvaient, au premier abord, laisser paraître quelque chose d’assez violent. » C’est de ces rencontres fortuites qu’est né Ghost Song : « Ils avaient tous les deux un rapport particulier à la musique. C’était pour eux une sorte d’échappatoire à leur vie et même une façon d’exister et de faire face aux fantômes de leurs passés, à leur exclusion. Pour moi, cette musique et la perte violente de leurs amis, la mort omniprésente à travers les gangs ou les addictions, étaient des événements qui surgissaient de cette ville. »
Le réalisateur décrit Third Ward, le quartier situé dans le centre de Houston et décor de Ghost Song : « C’est le quartier de Bloodbath et de Dj Screw mais aussi Beyoncé et beaucoup d’autres musiciens talentueux. C’est aussi le quartier de George Floyd qui était l’oncle de Bloodbath. On ne le sait pas, mais George Floyd rappait pas mal avec Dj Screw, à l’époque. C’est un quartier assez bouillonnant. »
Originaire de Third Ward et oncle de Bloodbath, George Floyd est pourtant absent du film. Décédé des suites de violences policières le 25 mai 2020 à Minneapolis, dans le Minnesota aux États-Unis, sa mort avait suscité une vive colère outre-Atlantique au sein de la population afro-américaine. Les raisons de son absence s’expliquent tout d’abord par la pandémie qui a bouleversé le tournage et a empêché Nicolas Peduzzi de retourner autant de fois qu’il le voulait à Houston. Le réalisateur voulait aussi éviter de faire de la récupération : « Ce n’était pas ce que je voulais raconter de la vie de Bloodbath. Elle était à un moment de sa vie qui voyait sa carrière décoller et c’est cela qui m’intéressait. Bien sûr, nous l’avons évoqué ensemble, mais c’était vraiment trop récent et elle n’avait pas très envie d’en parler alors qu’elle parlait librement de l’assassinat de son ami, Kenny Lou ».
La musique a une grande part dans le film et surtout le Screw, un son typique de Houston où la consommation de codéine a abouti à un ralentissement du flow des rappeurs pour aller vers un free style assez jazzy. Le réalisateur revient sur la part de la musique dans son film et dans sa vie : « Je connaissais le Screw avant d’aller là-bas, j’écoute beaucoup de Hip Hop et de jazz, et toutes sortes de musiques. D’ailleurs, mélanger Opéra et Hip Hop dans le film n’est pas un hasard. Il se joue quelque chose de la tragédie. La musique est l’un de mes moteurs. J’ai fait beaucoup de piano plus jeune. J’ai même pensé devenir musicien. Et mon père est décorateur d’opéra, donc, j’ai vraiment baigné dans un monde musical. J’ai aussi grandi à Pigalle dans les années 90, donc à fond dans la culture hip-hop. »
Houston vit avec la menace perpétuelle d’un ouragan. « Tous les deux ans environ, il y a une alerte et chacun fait des stocks de nourritures, d’essence etc. Je trouvais que ça donnait aux personnages une sorte d’urgence vitale d’où pouvait jaillir la musique. L’ouragan est un sujet de conversation très courant à Houston. Cette urgence à la fois prégnante et inconsciente fait naître la créativité particulière de la ville je crois », explique le réalisateur.
À l’origine, le film devait s’intituler Ghost Town et non Ghost Song, car cela évoquait l’idée de ville fantôme mais le réalisateur trouvait cela trop cliché : « Finalement, Ghost Song était plus approprié, plus juste. Cela faisait référence aux chants du passé : ceux père de Will ou de Kenny Lou, des chants qui les hantent et les habitent. »