Un film haïtien, c'est déjà plutôt rare, d'une réalisatrice, encore un peu plus, mais centré uniquement sur les femmes et leur vie, voilà qui promettait une vraie originalité et beaucoup d'intérêt !
Freda nous narre donc la vie de deux sœurs et d'une mère qui tentent de (sur)vivre, et surtout d'exister, dans un pays gangrené par la pauvreté et l'indifférence mondiale, avec pour conséquence corruption, violence et misère sociale.
Même si le film est centré sur Freda (une des deux sœurs), il raconte les trois façons fort différentes qu'ont ces femmes de tenter de garder la tête hors de l'eau :
La mère se réfugie dans la religion, les croyances, et nourrit sa famille grâce à sa petite échoppe, la sœur de Freda s'évade en soirées et aguiche les hommes riches pour réussir à échapper à la pauvreté, tandis que Freda, elle, suit des cours à l'université et veut rester dans son pays, se battre pour lui grâce à son éducation.
Autour de ces femmes, qui sont les personnages principaux du film, gravitent deux hommes, le frère ainsi que le compagnon de Freda, qui tout deux ne voient d'avenir qu'en quittant le pays, pour aller vivre ailleurs aux Caraïbes ou en Amérique latine. Cette dernière "solution" semble être malheureusement la plus facile, mais n'est pas envisagée par les femmes.
Le film aborde également de nombreuses autres thématiques, la corruption des élites, les détournements des aides humanitaires, le statut du créole haïtien, etc... Sans toutefois avoir le temps de tout approfondir.
Freda est donc un film profondément féministe, et sociétal, qui nous montre de manière digne le combat de ces femmes, fortes et fières.
La réalisation qui accompagne ce récit est assez proche du style documentaire, assez logique vu le cursus de Gessica Geneus. Des images de réelles manifestations ponctuent notamment le film, renforçant encore cet aspect documentaire.
Petit aparté sur la langue : assez logiquement, les personnages s'expriment en créole haïtien, une langue que l'on n'a pas l'habitude d'entendre dans les salles obscures. Malheureusement pour moi, lors de la séance, quelques spectateurs trouvaient hilarante cette langue et pouffaient à chaque mot d'origine française... Assez vite gonflant.
Le principal défaut du film est, pour moi, que Gessica Geneus a voulu "trop" en montrer, aborder trop de sujets, notamment aux travers des débats à l'université, mais n'a, logiquement, pas le temps de les approfondir, étant donné que le récit principal sur les vies de ces trois femmes est déjà bien dense. On a donc à la sortie de la séance l'envie d'en voir plus et d'approfondir toutes ces thématiques que l'on ne connaît que trop peu en dehors d'Haïti. De même, certains scandales ou affaires sont évoquées mais sans les expliciter, partant du principe que le spectateur sait de quoi l'on parle, alors que c'est loin d'être toujours le cas.
Mais ces défauts ne font pas pour autant perdre le fil du récit, ils sont plutôt inhérents à cette réalisation très documentaire, et donnent surtout envie de s'informer un peu plus sur ce pays et ses difficultés.
On reste donc sur un film original, intéressant, instructif et surtout fort, qui ne laisse pas indifférent...