Sebastian Lelio a de bonnes intentions, on en est convaincu. Il veut montrer, dès son protocole artistique au début de The Wonder, que la réalité n'est pas la fiction (et inversement), et que l'histoire qui va s'ensuivre n'est qu'une illusion. Parfait, on est perdu. Qu'est-ce qui est illusion, au juste, dans ce récit ? L'histoire
du canular alimentaire (une gamine qui prétend ne plus se nourrir que des "mânes" de ses ancêtres), la religion (une condamnation spirituelle qui serait bien malvenue), le pouvoir des femmes à fuir l'oppression (un message féministe difficile à mettre en application dans la réalité) ?
On ne sait pas, puisque le film se clôture de la même façon, en sortant du cadre du fictif (une balourdise de mise en scène dont on se remet mal : c'est moche, bas de plafond, ultra littéral, et très prétentieux) pour nous dire "c'est une fiction". On comblera le trou selon sa propre compréhension, chacun choisira ce que Sebastian a voulu dire. Pour notre part, entre l'entrée et la sortie du plateau, on s'est plus qu'ennuyé, avec cette histoire de mystère divin dont on cherche rapidement l'origine, voulant à la fois y croire et même temps savoir si l'on n'est pas dupé par une gamine maligne... Le rythme ne suit pas (film bien trop lent), Florence Pugh (d'habitude en forme, ici fatiguée) peine à retenir notre attention, et on est traumatisé par le nombre hallucinant de fois où on a entendu "mânes" (on pense que le dialoguiste est payé au nombre de fois où le mot apparaît, quand les dialogues sont littéralement : "Ce sont les mânes." / "Les mânes ?" / "Les mânes." / "Les mânes..."). Les filtres marron en intérieur et gris en extérieur n'arrangent pas notre enthousiasme à rester accroché au film, une béquille de plus pour nous faire comprendre le drame qui se joue (pourquoi cette petite fille s'affame ? Quel lourd secret cache-t-elle ?). On ressort de The Wonder fatigué, en ayant l'impression de n'avoir pas vraiment compris ce que Sébastian Lelio voulait nous dire, et en ayant subi cinquante fois la même scène et les mêmes dialogues. Une vraie pub de Comme J'aime.