Loin des univers chauds et chaleureux de ses précédents films comme « Gloria » ou l’oscarisé « Une femme fantastique », et même si une part de drame sous-tendait souvent la chronique féminine solaire et légère, le cinéaste chilien Sebastian Lelio est retourné filmer au sein de la Perfide Albion après son film le moins réussi, « Désobéissance ». Ce dernier, une romance lesbienne contrariée par la religion, était froid et austère, ce qui ne correspondait que moyennement aux tourments de ces deux tourterelles amoureuses. Ici, il délaisse Londres pour la campagne profonde irlandaise et change de siècle puisque « The Wonder » se déroule près de deux-cent ans en arrière. Et il s’avère tout aussi austère mais de manière bien plus adaptée et surtout justifiée puisqu’on y suit une infirmière anglaise dépêchée au fin fond de l’Eire pour surveiller une jeune fille qui n’aurait pas mangé depuis quatre mois mais serait malgré tout en pleine forme. Miracle de Dieu, révélation scientifique ou entourloupe de paysans pieux? Le film se propose de nous le faire découvrir avec un ascétisme de la mise en scène et de l’atmosphère qui fait froid dans le dos mais se révèle tout à fait de rigueur.
Il y a même presque un air du « The Witch » de Robert Eggers dans l’ambiance rendue ici. On sent le poids du fantastique et de l’étrange peser sur cette affaire et celui donne une résonnance singulière tout à fait à propos. Deux autres bizarreries viennent affecter positivement ce long-métrage peu commun : les quelques minutes du prologue et de l’épilogue s’avèrent encore plus mystérieuses que le sujet lui-même. Même après la projection, elles demeurent encore profondément sibyllines, leur sens caché donne envie d’en savoir plus et laisse à débat. Ensuite, l’emballage musical de Matthew Herbert, difficilement descriptible, participe à l’étrangeté du long-métrage avec brio. « The Wonder » captive et son discours sur la religion et la bigoterie comme sur les apparences résonne encore aujourd’hui. Et puis bien sûr il y a la jeune Florence Pugh qui continue de s’affirmer comme l’un des plus grandes actrices en devenir peu importe le genre qu’elle invoque.
Certes, dans « The Wonder », il y a quelques scories. On pourra trouver que le rythme est un peu lent et que tout cela manque de développements, et même que l’intrigue reste un peu mince. Ensuite, toute cette froideur clinique pourra rebuter. On a vu récemment le chef-d’œuvre de Martin McDonagh, « The Banshees of Inisherin », se dérouler à la même époque et dans un lieu similaire et être autrement plus avenant visuellement. Mais si on fait l’effort de rentrer dans cette proposition, on sera très certainement conquis. Cependant, un drôle de goût ou une sensation assez inédite nous parcourt à la fin du film. On l’a aimé mais on sent et on sait qu’il aurait pu être encore mieux, plus vénéneux, plus hypnotique, plus marquant et tutoyer le chef-d’œuvre mais qu’un petit quelque chose l’en empêche. Sans réussir à savoir quoi... Petite frustration donc mais belle œuvre tout de même!
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