Bogdan George Apetri recherche avant tout la simplicité pure dans son travail, ce qui est aussi la chose la plus difficile à atteindre : « Cette absence d’artifice est, selon moi, ce qui donne au spectateur une plus grande liberté pour faire l’expérience du film, pour apprécier le voyage. Paradoxalement, une très grande simplicité peut duper l’œil et le cœur, et apparaître complexe, alors qu’il ne s’agit que d’une vérité distillée. » La forme du film, qui privilégie les plans-séquences et les séquences longues, participe à cette simplicité et permet au spectateur de s’impliquer librement : « Un montage plus découpé laisserait moins de place au spectateur, parce qu’il forcerait davantage le regard et dirigerait la manière de penser chaque moment, chaque plan, chaque scène. »
Le réalisateur a mis au milieu de son film une séquence charnière et controversée : « Je voudrais rappeler d’abord que cette scène est à la base de l’arc narratif du récit. Sans elle, il n’y a pas d’histoire, pas de péripéties à construire après un élément déclencheur, pas de film. Retirez cette scène, et vous vous retrouvez sans œuvre. » Il aimerait que les spectateurs qui soient touchés par cette scène revoient Dédales une seconde fois et prêtent attention aux détails : « Son but n’était pas de choquer les spectateurs afin d’attirer l’attention sur le film pour de mauvaises raisons. »
La vérité est l’un des thèmes centraux de Dédales. Il n’y a pas qu’une seule vérité dans le film, chaque personnage et chaque spectateur ont la leur. Le réalisateur affirme : « C’est une quête sans fin, et cela aurait été une erreur que d’offrir une réponse à la fin du film. Cela devrait toujours être une question ouverte, quelque chose que le spectateur emporte avec lui. »
Bogdan George Apetri a choisi de favoriser des scènes longues pour faire ressentir le passage du temps aux spectateurs, « sa lourdeur, son mouvement imperturbable vers l’avant, tel un fleuve tranquille, et ce jusqu’à la fin lorsque le paradigme change complètement. Le choix des longs plans-séquences est comme une nécessité inhérente de l’intrigue. C’est si intégré au noyau du film que je ne pourrais l’imaginer filmé autrement. Je pense sincèrement que ça ne fonctionnerait pas. »
Le réalisateur envisage Dédales comme faisant partie d’une trilogie se déroulant entièrement dans son village du nord de la Roumanie. Les trois histoires sont autonomes et peuvent se comprendre sans avoir vu l’intégralité de la trilogie. Cependant, les trois récits se situent dans le même monde, les lieux et les personnages sont identiques. Ainsi, les personnages principaux d’un film peuvent devenir des personnages secondaires du suivant, et de petites histoires se complètent et trouvent des points de connexion au fil des différents films.
Dédales constitue le 2ème volet d’une trilogie, précédé par Unidentified. Le casting et le tournage de ces deux longs-métrages ont eu lieu simultanément. « Cela m’a pris 6 mois pour réussir à trouver des acteurs qui pourraient jouer dans 2 films différents, et ce fut un processus éreintant », raconte Bogdan George Apetri. 4 jours étaient d’abord réservés au premier film, puis les 2 suivants au deuxième, suivis par 3 jours de nouveau consacrés au premier et ainsi de suite jusqu’à la fin du tournage. « Ce n’était pas difficile physiquement, mais épuisant sur le plan créatif, car les deux films ont des approches cinématographiques totalement différentes, dictées par leur histoire propre. »
Bogdan George Apetri partage sa vie entre New York, où il vit, produit et enseigne la mise en scène à l’université Columbia, et la Roumanie, où il réalise ses films : « En tant que réalisateur, je ne me sens ni américain, ni roumain. J’ai l’impression d’être tout simplement moi-même et m’efforce de raconter des histoires personnelles à ma façon. »