Comme dans son premier long métrage, Hugo P. Thomas filme des personnages qui entretiennent un lien complexe au groupe : dans Willy 1er, Willy tente de se faire accepter ; dans Juniors, Jordan s'exclut malgré lui. Le metteur en scène développe : "Il me semble que Willy et Jordan cherchent tous deux à s’intégrer. Mes deux films interrogent ce qu’est « la vie normale »."
"Willy partait de tellement bas que c’était pour lui un idéal à atteindre, tandis que Jordan mène déjà une vie ordinaire en société, mais espère plus qu’un quotidien à la campagne. Il voudrait partir dans une grande ville pour vivre ses rêves. Au fond, les deux épousent le même mouvement, chacun à sa manière. Et mes deux films décrivent la même France des campagnes, la France dite « périphérique »."
Par le prisme de la fiction, Hugo P. Thomas a voulu diriger le regard du spectateur vers un endroit trop peu regardé, car situé en périphérie, et surtout en faire un décor de cinéma, sans nostalgie. Il précise : "Imaginer dans ces endroits où j’ai vécu, qui me semblaient parfois tristes et ennuyeux, un récit digne d’attention, dans lequel les gens qui y vivent puissent se reconnaître."
"Quand j’étais adolescent, j’étais un peu comme Jordan, sauf que mes jeux vidéo à moi, c’était des films. Je rêvais de faire du cinéma. Je faisais des courts-métrages avec mon caméscope, je placardais ma chambre de posters de mes réalisateurs préférés. J’ai donc transposé, sans doute par pudeur, l’univers du cinéma par celui des jeux vidéo."
Hugo P. Thomas a cherché à faire un teen movie dans la campagne française profonde. Le cinéaste a longuement récolté des idées de scènes et de personnages pour nourrir un univers : "Au départ, j’ai imaginé des jeunes qui fabriquaient des armes artisanales, de plus en plus dangereuses – ce qui a donné l’idée du « patator » dans le film - ou même une guerre de gangs qui, elle, a conduit au « gang des chauves »."
"Mais tout cela était trop chronique. Il me manquait un élément pour donner son essor à l’intrigue. C’est ainsi qu’en faisant des recherches, j’ai découvert ce qu’était le syndrome de Münchhausen, qui consiste à simuler une maladie pour attirer l’attention. En l’appliquant à l’univers que j’avais imaginé, tout a soudain pris vie. Les scènes que j’avais fantasmées avaient enfin une raison d’exister. C’est ainsi que JUNIORS est né."
Hugo P. Thomas a adopté une tonalité antinaturaliste : "J’avais à coeur de mêler le naturalisme et l’antinaturalisme. Je voulais des dialogues très écrits, dits par des acteurs non professionnels et très vrais. À travers eux, j’ai envie d’entendre mon voisin, les gens que je croise au supermarché. Je cherchais à faire un film de genre qui vient de loin, mais qui s’ancre dans une proximité."
"C’est pourquoi j’ai choisi des acteurs non professionnels non seulement pour les adolescents, mais aussi pour les rôles adultes, comme la principale, qui est interprétée par une vraie directrice d’établissement pour jeunes ; le prof de techno, qui est un pêcheur à la retraite ; ou encore le prof de sport, incarné par Franck Ropers, qui enseigne l’extrême self- défense et que j’ai repéré sur Internet."
Le village dans le récit s’appelle Mornas. Il est imaginaire et non localisé. "Pour moi, Jordan déteste la campagne au point de tout faire pour s’en extraire, y compris les pires bêtises au monde, mais à la fin, il réalise qu’un lieu est surtout fait des gens qui le peuplent. C’est le sens du dessin qu’il offre à Patrick", confie Hugo P. Thomas.
Hugo P. Thomas a trouvé les jeunes acteurs via un casting sauvage, en se rendant à la sortie des collèges. Ewan Bourdelles habite la campagne et souhaitait être acteur. Il a une chaîne YouTube, sur laquelle il publie des courts métrages. Le réalisateur se rappelle : "Pour le rôle de Patrick, je cherchais un adolescent qui contraste avec Jordan, quelqu’un d’un peu fantasque."
"Noah Zandouche était tellement mal à l’aise lors du casting qu’il me faisait rire. J’ai été touché par son naturel. Il portait en lui une maladresse adolescente très émouvante, tout en étant parfois sûr de lui et en roulant les mécaniques. J’ai aimé tous ses paradoxes, et le fait qu’il soit en pleine croissance ; tout cela le rendait très humain. J’ai aussi vite décelé qu’il serait capable de jouer."
"Quant à Vanessa Paradis, j’adore l’idée de l’envisager face à deux acteurs débutants. Cela réactivait en moi mes souvenirs d’enfance et adolescence, lorsque je rêvais de côtoyer de grandes stars. Vanessa Paradis est bien plus qu’une actrice et chanteuse. C’est une icône. J’avais la certitude qu’elle saurait apporter avec elle son statut tout en étant crédible en infirmière."
Hugo P. Thomas a opté pour une réalisation simple et accessible, comme si les plans étaient des cases de bande dessinée qui dissimulent la complexité des personnages. "C’est l’essence du teen movie pour moi, qui donne l’impression de parler d’adolescents écervelés, de stéréotypes, mais qui sont bien plus profonds qu’ils n’en ont l’air. Le placement des personnages au centre des plans fait aussi écho au fait que Jordan se retrouve au centre de l’attention de tout le monde et des situations", précise -t-il.