Jérôme Dassier voulait faire un film "à part", qui ne soit ni naturaliste, ni réaliste, ni une redite. Il s'est alors vite décidé pour faire un film de genre, dans la mesure où il propose une expérience singulière : "Comme j’avais envie de parler de solitude contemporaine et que parallèlement j’adore les romans d’espionnage, j’ai fini par construire une histoire autour d’une femme isolée dans la montagne."
"Une femme dont les seules connexions avec l’extérieur se feraient par radio ou par téléphone, et qui, un jour où elle ne s’y attend pas, serait rattrapée brutalement par son passé d’espionne et la grande Histoire. Au cours de l’écriture avec mon co-scénariste, il s’est imposé que cette femme serait pratiquement le seul personnage du film qu’on verrait à l’écran", se rappelle le metteur en scène.
D’abord régisseur général, Jérôme Dassier fait ensuite ses armes comme premier assistant réalisateur auprès d'Agnès Varda, Jerzy Skolimowski, Christopher Doyle ou Barbet Schroeder. Il a vécu à Varsovie pendant sept ans et travaille maintenant à Paris comme scénariste pour le cinéma et la télévision.
Seule : les dossiers Silvercloud est le premier long métrage de Jérôme Dassier, lequel a écrit le personnage d’Anne en s’interdisant de rêver à son interprète. Il se souvient : "Par chance, assez incroyablement puisque Seule était co-produit par une équipe franco-suisse, le nom d’Asia a vite circulé."
"Il a fini par s’imposer pour de nombreuses raisons : sa stature, son charisme, sa féminité, si méditerranéenne, sa présence, si ancrée, son côté à la fois cosmopolite et mystérieux, et aussi son accent indéfinissable lorsqu’elle parle en français, ce qui est idéal pour jouer une espionne « non identifiée » !"
La chef-décoratrice, Marie-Claude Lang-Brenguier, a entièrement conçu et fabriqué le chalet du film. "Après nos discussions, elle est arrivée avec une seule proposition d’architecture et de design, la bonne. C’est un idéal de travail qui permet à tous de faire le même film", se remémore Jérôme Dassier.
Seule : les dossiers Silvercloud a été tourné en hiver, par grand froid. Des conditions climatiques qui ont hélas pesé sur Asia Argento : "Je suis une fille de la Méditerranée, du soleil, de la chaleur et de la mer. Je ne vais jamais à la montagne. Tourner à Saint-Moritz a été « choquant » pour moi. Mon organisme a souffert."
"La première semaine surtout. J’ai eu ce qu’on appelle le mal des montagnes, je respirais mal, j’avais des migraines. Pas de chance : j’avais des scènes où je devais me rouler dans la neige. Je les ai faites bien sûr, sans me faire prier. Mais je n’ai jamais eu aussi froid de ma vie", se rappelle la comédienne.
Pour l'amoureuse d'Anne, jouée par Jeanne Balibar, Jérôme Dassier avait commencé par écrire le rôle pour un homme, mais le cinéaste s'est rendu compte que cela marchait moins bien qu'avec une femme. "Je crois que lorsque l’écriture d’un scénario est lancée et mise sur des rails, certaines choses s’imposent à l’auteur, sans qu’il puisse raisonnablement, intellectuellement, les analyser", précise-t-il.
Comme Asia Argento était pratiquement tout le temps seule dans le cadre, Jérôme Dassier a décidé d’utiliser le cinémascope qui offre beaucoup « d’espace négatif », avec des lentilles anamorphiques qui déforment légèrement le bord de l’image en lui donnant de la douceur :
"Ensuite, on s’est décidé pour les couleurs, plutôt vert et jaune gris, et on a travaillé la lumière des scènes de nuit. Pour des raisons de budget, on ne voulait pas d’effet de nuit de pleine lune, car il faut les éclairer et que ça coûte très cher", se souvient le metteur en scène, qui poursuit :
"On a donc décidé que nos nuits seraient totalement noires, opaques, et qu’on les éclairerait avec des lampes torches. En revanche, les scènes d’intérieur du chalet ont été éclairées par des praticables installés à l’extérieur, sans appoint de lumière d’ambiance. Risqué, mais ça a marché !"