Citoyen d’honneur est le remake d’un film argentin, El ciudadano ilustre de Mariano Cohn et Gastón Duprat, sorti en 2017 en France. Ce sont les producteurs Christophe Cervoni et Marc Fiszman qui ont proposé à Mohamed Hamidi d’en faire une relecture, situant le récit non plus entre l‘Espagne et l’Argentine mais entre la France et l’Algérie. Hamidi a d’abord hésité car jusque-là ses films se faisaient à partir d’une idée originale. Il a finalement apporté des modifications au script d’origine : “L’accueil du personnage dans le film argentin est très dur dans ce village qui n’a plus rien à voir avec celui qu’il connaissait. Il se fait malmener et regrette presque d’y être allé. Ce qui n’est plus le cas dans mon film. J’ai aussi ajouté un personnage drôle et solaire, le personnage de Miloud (Fatsah Bouyahmed). C’est une comédie que je qualifierais de sociale. Et le sujet reste l’histoire d’un retour aux sources.”
Si le film se déroule en Algérie, le tournage a eu lieu au Maroc. Mohamed Hamidi a fait ce choix car il est familier du Maroc, dont il connaît bien les équipes locales et les productions pour y avoir tourné ses deux premiers films. “En Algérie, même si quelques films et séries étrangères commencent à s’y tourner, ce n’est pas encore évident.” Par ailleurs, il craignait qu’on ne l’autorise pas à y tourner un tel scénario, qui aborde “l’Algérie d’aujourd’hui avec toute sa complexité”.
Pour le personnage de Samir Amin, le réalisateur a puisé parmi les Algériens “que j’ai côtoyés, étudiants, militants dans les années 80. Une époque où les gens manifestaient dans la rue pour réclamer plus de démocratie comme, avant l’heure, pendant le Printemps arabe. Ce mouvement a été très durement réprimé et c’est ce qui a généré l’arrivée des islamistes dans les années 90. J’étais au lycée à cette époque et je me souviens très bien de ces événements.” Il s’est aussi inspiré de ses souvenirs d’enfance en Algérie. Les photos que l’on voit dans le film que Miloud projette à la mairie sont d’ailleurs des photos de famille de Mohamed Hamidi. Sur l’une d’elles, censée représenter Miloud et Samir enfants, il s’agit en fait du frère et du cousin du réalisateur.
Mohamed Hamidi avait déjà dirigé Kad Merad dans Une belle équipe. Il a écrit le rôle de Samir Amin pour lui : “C’est un grand acteur et c’est facile de travailler avec lui. En plus, il est de la même génération que le personnage et il est né en Algérie à Sidi Bel Abbès. Aujourd’hui, avec l’âge, il se rapproche des origines de son père et pour lui, c’était le moment de jouer ce rôle.” Pour le comédien, c’est une forme de retour aux sources. Sa mère, berrichonne, et son père, Algérien, se sont rencontrés en France. Ils sont partis ouvrir un salon de coiffure en Algérie avant de retourner au bout de deux ans en France : “Je suis né pendant cette parenthèse alors que mes trois frères et sœurs sont nés en France. Mais nous avons tous, et toujours, été connectés avec ce pays.”
Mohamed Hamidi dirige pour la troisième fois Fatsah Bouyahmed après Né quelque part et La Vache : “Fatsah est un acteur qui peut porter à la fois le drame et la comédie comme dans La Vache et Né quelque part. En cela il représente tout à fait l’esprit Algérien.”
Quant au trompettiste Ibrahim Maalouf, après avoir participé à la musique de Né quelque part composée par Armand Amar, il est le compositeur de tous les films de Hamidi depuis La Vache. “Dans ce film-là, on entend très peu de trompette mais beaucoup de piano et de cordes. J’avais envie de musiques de comédies italiennes, comme celles des films de Fellini ou de Scola composées par Nino Rota”, explique le réalisateur.
Citoyen d’honneur s’est tourné dans un village marocain pendant deux mois, en plein confinement. Les habitants du village ont fait office de figurants sur le plateau. “Nous étions logés, avec une partie des comédiens, au pied des montagnes, à l’écart de tout. Nous n’avons jamais eu l’impression d’être confinés. Nous restions entre nous mais avec une grande liberté de mouvement”, se souvient Kad Merad.
Oulaya Amamra incarne Selma, une jeune étudiante engagée et passionnée de rap. L’actrice s’est essayée au rap pour la première fois. Admiratrice de Diam’s, elle s’est d’ailleurs inspirée de son titre Si c’était le dernier, “dans lequel elle chante toute sa rage et crache son envie de voir les choses changer.”
À l’instar de son personnage, Oulaya Amamra est une jeune femme engagée qui donne des cours de jeu dans l’association 1000 Visages créée par sa sœur Houda Benyamina, réalisatrice de Divines : “Le but est de favoriser l’accès des jeunes des quartiers aux métiers du cinéma. C’est ma manière à moi de dire comme Selma : « Agissez ! Il faut croire en vos rêves ».”