C’est le troisième film d’un auteur prometteur et original. Un auteur qu’on aimait beaucoup. En effet, Sean Baker est à l’origine de la petite bombe shootée à l’IPhone, « Tangerine ». Un premier film fou et énergique qui l’a révélé en filmant un Los Angeles interlope baigné par la lumière du coucher du soleil où travestis, prostitués et gangsters interagissaient entre humour et drame. Puis vint « The Florida Project » qui arrivait comme une confirmation du talent particulier de son auteur. Avec cette manière douce et presque poétique d’envelopper la faune bigarrée de Floride du point de vue d’enfants et d’adultes peuplant un motel rococo en bordure d’autoroute, il nous avait également conquis. Et si son nouveau film, « Red Rocket », n’est pas mauvais, il ne tient pas la comparaison avec ses deux précédents opus. On a l’impression qu’il développe tous les défauts inhérents à une première œuvre, le rendant moins qualitatif et parfois même fatigant et répétitif.
Baker continue son exploration de l’Amérique profonde en partant cette fois dans le sud du Texas, près de la côte du Golfe du Mexique. Et à ce niveau, il n’a pas son pareil pour croquer cette population de laissés-pour-compte, de rednecks et de petites gens. Les déclassés de cette Amérique fantasmée, ces exclus du rêve américain, sont filmés comme dans un documentaire ou comme s’il filmait des gens qu’ils connaissaient. On est en immersion totale dans les classes populaires texanes et c’est le principal point positif de « Red Rocket ». C’est du réalisme social poussé à son paroxysme. Pareillement, les paysages et lieux de l’action choisis font plus vrais que nature. Des cheminées fumantes de la raffinerie à ces petites maisons miteuses où vivent les personnages en passant par l’incontournable Dunkin Donuts au milieu de nulle part, on s’y croirait. Notons aussi la prestation impeccable de l’ancien acteur de porno gay Simon Rex. Il est presque de tous les plans et impressionne. Cependant, son personnage est si détestable et antipathique qu’il nous agace au plus haut point.
C’est d’ailleurs ce qui ne nous aide pas à apprécier « Red Rocket ». Tous les personnages et leurs actions sont insupportables de bêtise, de mauvaise foi ou de ridicule. Contrairement à ces opus précédents, le cinéaste semble les sacrifier sur l’autel de la presque caricature. Ensuite, le long-métrage tourne en rond. Il n’y a pas de véritable ligne narrative et le scénario tire à la ligne. Si cela avait duré une petite heure et demie, peut-être que l’on aurait trouvé cela amusant. Mais Baker s’est laissé aller, beaucoup trop, et son film dure près de deux heures et quinze minutes. Il n’a pas su couper au montage et cela se ressent. Au bout d’un moment, une fois le plaisir de replonger dans cet univers des ploucs du sud des États-Unis, on finit par trouver le temps très long et supporter ses personnages est loin d’être une sinécure. Aucun attachement, aucune empathie et aucune envie de meilleur pour ses protagonistes ne nous étreint. Pire, on souhaite ce qui leur arrive. Une déception donc, qui s’avère presque vulgaire où le rire se fait rare (ou alors jaune) et où l’émotion est aux abonnés absentes.
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