(...) Et il y en a des choses à raconter, tellement cette période offre un contexte unique, avec des personnages troubles, des intrigues digne des meilleurs thrillers et surtout un terreau magnifique pour explorer la complexité et l’ambiguïté de chacun. Il serait effectivement bien idiot de résumer ainsi la situation au simple fait que ceux qui sont partis étaient les plus courageux quand ceux qui sont restés étaient des collabos. La vérité, c'est que chacun a fait comme il a pu. (...) J'avais un peu peur au début de trouver ça un poil longuet ou soporifique, bien que j'adore le cinéma de Tavernier, et je me suis bien trompé. Comme toujours, on retrouve son incroyable sens du montage, du rythme, du mouvement. Sa passion et sa soif de découvertes irrigue chaque plan. Dans ce Paris occupé impeccablement reconstitué (les décors sont incroyables, truffés de petits détails avec des affiches, des publicités, des figurants qui ont tous quelque chose à faire ou à dire, les stations de métros, les rues, tout respire l'authenticité) grâce à son imposant budget de presque 16 M€, on est ballotté de bistrots en bordel, d'appartements chichement décoré aux bureaux austères de la Continental. Mais Tavernier sait aussi nous offrir quelques moments spectaculaires, comme ce bombardement nocturne en plan-séquence, ces travellings élégants qui nous immergent dans les décors ou qui nous présentent les personnages, le tout avec des dialogues soignés déclamés par des acteurs au top.Le duo Jacques Gamblin/Denis Podalydès ne fait que se croiser dans le film, mais chacun croise une galerie de personnages étonnants. Sans aucun jugement, Tavernier nous les présente. Certes, Aurenche et Devaivre sont un peu trop unilatéraux, mais les autres demeurent intéressants. Certains allemands sont bien sûr détestables, tout comme certains personnages secondaires, mais ça reste un positionnement personnel la plupart du temps, avec des gens qui se débattent comme ils peuvent, qui profitent parfois, mais qui surtout, vivent dans une certaine insouciance. Il y a aussi les quelques actes de résistance de certains, les petits moments de joie et de camaraderie, les peurs, les amours, les ambitions, tout cela fait que le film est vivant, prenant et parfois unique. Si on peut trouver que les personnages féminins sont un peu sous-exploités (sauf celui d'Olga, interprétée par Marie Gillain, un personnage qui attire tout de suite une certaine sympathie et qui se révèle plutôt intéressant) ou bien que le parcours d'Aurenche est un peu moins captivant et anecdotique, on sera par contre ravi de voir quelques scènes magistrales, avec des acteurs excellents au service d'un texte et d'un discours qui vise autant à réhabiliter certains qu'à montrer la complexité d'une situation sur le point de changer. C'est intéressant de voir aussi que Tavernier ne présente pas toujours la Résistance sous un jour glorieux, cette dernière se heurtant parfois à quelques incohérences (comme la scène où Le Chanois se retrouve mis à l'index par ses camarades, alors que lui est un résistant de la première heure). Et puis il y a la fabuleuse séquence de Devaivre qui doit convoyer une serviette. De la gare de Paris jusqu'à Londres, puis son retour rocambolesque à Paris, voilà bien un moment exceptionnel du film. Un parmi de nombreux autres. Un film d'une virtuosité technique imparable, écrit avec délice, un petit bijou du cinéma français, une oeuvre de passionné, une oeuvre parfois militante aussi, un film agréable, touffu, passionnant, drôle, inspiré et qui se regarde d'une traite. La critique complète sur thisismymovies.over-blog.com