Un film pudique malgré son sujet, qui suit un couple d'amoureux (brillamment interprété par les deux pépites que sont Noemie Merlant et Nahuel Perez Biscayart), dont la vie va basculer lors une nuit d'horreur au Bataclan.
Le choix d'un montage non linéaire et volontairement avare en repères chronologiques participe, à mesure que le film progresse, à nous faire perdre pied
à l'instar de son héroïne.
A ce titre, le twist est bien amené quoique subtil (tendez l'oreille!), la vérité étant révélée d'une façon peu audible lorsque Céline se confie enfin à une collègue
en revoyant le film une 2e fois récemment, j'ai constaté que la vérité se nichait aussi dans des détails, comme cette chemise à carreaux rouges trouée et ensanglantée, qu'elle lave et relave, puis qu'elle finit par jeter, mais qui continue d'habiller l'être aimé à jamais lové dans son "imaginaire".
Cette révélation apporte une autre dimension et un supplément d'émotion à un film bouleversant qui n'en manquait pourtant pas, alternant avec adresse scènes intimes et collectives, scènes réelles et
scènes tout droit sorties de l'imagination de Céline.
Et si cette nuit-là, ils étaient rentrés sains et saufs tous les deux? L'amour et la vie auraient continué... Ramón aurait sans doute fini par quitter son boulot pour un autre plus épanouissant, ils auraient revu leurs deux amis (dont on ne nous dit pas s'ils sont morts aussi dans l'attaque, mais je tendrais à le penser : ils étaient visiblement les seuls intimes du couple et leur disparition aurait facilité le déni de Céline, qui n'aurait plus eu à cacher la vérité qu'à ses collègues ne connaissant pas personnellement Ramón et à ses parents vivant loin d'elle). Surtout ils auraient continué à partager la quotidienneté de la vie, en étant là l'un pour l'autre.
Pour ma part, cet éclairage final porté sur le refus obstiné de Céline d'affronter la réalité m'a déchirée.
Et son sourire quand elle convoque à nouveau son cher disparu pour un simulacre d'étreinte m'a longtemps hantée...
Comme la preuve poignante que malgré ses efforts (sa tentative de rupture avec ce "compagnon imaginaire", sa visite chez ses parents), elle est toujours dans l'incapacité de faire son deuil un an après.
En une nuit tout a changé, mais depuis un an rien n'a changé, elle continue de se bercer d'illusions et d'interactions factices.
Un amour, une vie ?
Un film à la fois douloureux et beau, comme l'image lumineuse qui l'ouvre et le clôture.